Emmanuel Shadary: comment gagner et ne pas faire exploser le Congo?

Pendant que les résultats des élections en République démocratique du Congo sont toujours en cours de compilation, la coalition au pouvoir reste modeste, de peur de clamer tôt une victoire qui risque de tout embraser. 

Il n’était forcément pas le meilleur jockey que disposait Joseph Kabila. Cet homme austère de 58 ans ne doit sa désignation comme candidat de la coalition au pouvoir que par le seul critère de fidélité. Jusqu’au soir du 7 août 2018, à 24 heures de la clôture des candidatures pour la Présidentielle, Emmanuel Ramazani Shadary menait lui-même la fronde de ceux qui voyaient Joseph Kabila briguer un troisième mandat « quoi qu’il arrive ».

Mais le 8 août, très tôt, c’est aux côtés de quatre autres hommes clés du système que Kabila lui pointe le doigt, en disant: « c’est lui notre dauphin ». Shadary qui fera même un malaise, n’en revenait logiquement pas. Car, comme le disait Aubin Minaku, président de l’Assemblée générale et chef de la coalition au pouvoir, ces élections représentent « tout pour nous ».

Après 17 ans de règne, Joseph Kabila mise donc tout sa avenir politique sur l’un des seuls hommes autour de lui qui n’aurait jamais eu assez de chance pour remporter cette Présidentielle en forme de sanction qui attendait la coalition au pouvoir.  Mais le Chef de l’Etat n’avait plus le choix, le spectre de la trahison incarnée par Moïse Katumbi et les G7, qu’il qualifiera de « judas », a pesé sur la qualité au pouvoir.

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Le 30 décembre, après quatre mois de mise en bouche pour Shadary, épaulé par toute une machine institutionnelle, au détriment des lois et même principes de séparation du pouvoir, les Congolais ont été appelés à départager le pouvoir et deux opposants qui ont certes perdu à se désunir.

Mais au Congo, c’est depuis la chute de Mobutu que tout un peuple s’espère sortir un Président en fonction sans escarmouche. Après trois ans de lutte sanglante pour obtenir la tenue de ces élections, des voix bourdonnent dans les entrailles surchauffées du pays pour « en finir » avec l’ordre établi.

Le lendemain du vote, le pouvoir s’en aperçoit. Internet et les SMS sont une fois de plus coupés. Mais la réalité est plus dure cette fois. Comment annoncer une victoire fatale à toute nation. A l’heure où des tendances aussi vraies que factices fusent, le pouvoir ne clame que du bout de lèvre sa victoire, conscient de la situation.

La mission d’observation de la SADC et même celle de l’UA ont sans doute réalisé la situation en convoquant les opposants autour d’une table pour obtenir, semble-t-il, des engagements en faveur de la vérité des urnes. Mais cette vérité attendue d’une Commission électorale qui a perdu tout crédit, ne sera finalement pas appréciée que par quelques leaders. Les rues du Congo attendent elles aussi de voir: entre des opposants que l’on toléraient, ou un Shadary qui exploserait le pays, jamais la situation n’a été autant simple et explosive à la fois.

ENGBAKA GASTON.

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