Monusco, 20 ans de fiasco en RDC

20 ans après son arrivée en République démocratique du Congo, la mission de l’ONU traîne derrière elle un fiasco retentissant. Son départ devient une nécessité. 

Des pleurs. Des gémissements. Une fois de plus, Beni, ville martyre de l’Est de la République démocratique du Congo, est meurtrie. Des assaillants ont frappé au coeur même de cette ville de 100.000 habitants au Nord-Kivu, province déjà terrassée par deux décennies de violence.

Au lendemain de cette énième attaque, des questions fusent. Comment diable, ces ADF invisibles ont-ils encore frappé avec tant de facilité? Où était l’armée. « Les Forces Armées de la RDC, FARDC, n’ont pas des militaires formés pour faire face à la guerre asymétrique, une de raisons qui font perdurer la traque » explique sans blaguer le ministre congolais de la défense. Comprenons qu’il ne faut pas embêter l’armée nationale avec ces questionnements.

Les regards sont donc logiquement tournés vers la MONUSCO. La force mondiale, la plus chère de l’histoire, dont les soldats gambadent pourtant dans leurs 4×4 à travers la ville, n’ont rien vu venir. A quoi servent-elles?  « L’analyse que nous avons faite maintenant montre que l’action qui a été menée par nos forces et par les forces militaires congolaises a permis d’éviter sans doute des drames plus importants à l’occasion de cette attaque de samedi », tentera malencontreusement d’expliquer le général Bernard Commins, commandant adjoint des forces de la MONUSCO.

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Toutefois, au moins 16 morts, plusieurs blessés et tant de psychose n’est pas non plus un petit drame Monsieur Commins. Le fait est qu’en dehors de toute politique, les forces militaires sensées protéger les civils ont échoué. Elles échouent depuis long, trop longtemps même.  Même le président Joseph Kabila l’a compris. « Vingt ans après le déploiement des forces onusiennes dans mon pays et en raison de leurs résultats largement mitigés au plan opérationnel, mon gouvernement réitère son exigence du début effectif et substantiel du retrait de cette force multilatérale », a-t-il dit.

Une mission défaillante et inadaptée

La réalité est plus simple. Avec près de 1,4 milliards de dollars américains par an, 60 Etats contributeurs, 19 461 soldats, 1 090 policiers, 2 725 civils locaux, 937 civils internationaux, 472 volontaires et plus de 93 morts, la MONUSCO, dont le mandat est renouvelé à compte-goutte chaque année — adapté, rafistolé et réadapté —  n’arrive plus à faire face aux enjeux actuels.

Sur le terrain, les milices ont pris la place des armées étrangères qui opéraient jadis au Congo. La guerre n’est plus entre des fronts. Elle est partout. A Beni, c’est un ennemi invisible qui apparaît et disparaît sous la barbe des forces onusiennes à peine capables de gesticuler. A côté, l’éternelle défaillance et absence de l’Etat congolais; qu’il faudra ajouter aux problèmes socio-économiques, transforment diamétralement les enjeux.  Venue au Congo pour « y faire la paix », l’ONU se retrouve embourbée. Ses forces et son personnel se retrouvent dans des scandales de violation flagrante des droits de l’homme : plusieurs sont accusés de viol, alors que d’autres sont impliqués dans la contrebande des richesses.

Paul Kagame, l’ancien envahisseur qui endosse le costume de faiseur de paix, monte lui aussi au créneau pour dénoncer la même mission qu’il combattait jadis. Du haut de son nouveau fauteuil du président de l’Union Africaine, le président rwandais appelle désormais à une remise en cause. « Les Nations unies qui sont déjà présentes [doivent] nous dire ce qu’elles font déjà et ce qu’elles font depuis tant d’années. Cela n’a pas donné de bons résultats », exige-t-il. Bien avant lui, les Etats-Unis ont été les premiers à hausser le ton. Donald Trump, qui n’en peut plus de payer des factures pour une mission que tous jugent défaillante, avait exigé une restructuration.

Laissez les Congolais prendre leurs responsabilités!

Sur le plan politique, c’est une mission onusienne qui assiste impuissamment au glissement de Joseph Kabila et au démembrement d’une opposition qui ne sait plus à quel saint se vouer. L’accord du 31 décembre, pourtant soutenu par une résolution de l’ONU, reste une terne locution qui ne vaut plus en réalité. La MONUSCO a failli à sa mission d’obtenir la première alternance démocratique tant en 2016, que, conformément à cet accord, en décembre 2017. Le poids politique de l’ONU sur la crise avoisine celui des plumes que laissent les défenseurs des droits de l’homme victimes d’une répression sans nom à travers le pays.

A travers le monde, de Kinshasa à Addis-Abeba, en passant par Paris et Londres, la Monusco met tout le monde d’accord. La mission ne peut plus continuer ainsi. Dans les rues de Goma, Beni ou même dans la capitale congolaise, la MONUSCO est ciblée. Les Congolais n’en veulent plus. Du côté du gouvernement, on est un peu plus clair : le départ doit intervenir en 2020. Une position qui correspond, rarement, aux aspirations populaires.

Il est clair qu’un départ laissera un vide sécuritaire et stratégique énorme dans ce pays où l’Etat reste aussi fragile qu’imprévisible. Cependant, l’aide internationale pour la RDC est appelée à revoir sa stratégie. Les milliards investis chaque année rien que dans le maintien de cette mission équivaut aujourd’hui à plus de 20 % du budget annuel du pays. Ses résultats parlent d’eux-mêmes : pour ne citer que le Président américain Donald Trump, c’est une mission bureaucrate qui prouve mainte fois qu’elle n’est pas à la hauteur de sa tâche en RDC.

Son départ est une nécessite. D’autant plus que Joseph Kabila qui le réclame bec et ongle, doit à présent s’assumer et répondre aux exigences constitutionnelles qui veulent que l’Etat soit le premier garant de la sécuriser des Congolais. Au risque de réveiller les démons des guerres et rebelles à travers le pays, l’ONU doit placer Kinshasa devant ses propres responsabilités, tout en organisant pour le mieux ses interventions en RDC.

Litsani Choukran.
In POLIITCO.CD, Avril 2018.

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