Conférence humanitaire de Genève: pourquoi Kinshasa est en colère

La semaine dernière, les Nations Unies ont averti que la planète était confrontée à la « pire crise humanitaire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale », avec un risque de malnutrition et de famine pour 20 millions d’habitants de trois pays d’Afrique et au Yémen.

Somalie, Soudan du Sud, Nigeria et Yémen, tous en proie à des conflits armés, sont les pays cités dans la déclaration faite vendredi  dernier devant le Conseil de sécurité par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Stephen O’Brien. Le responsable qui s’est rendu au début du mois au Yémen, au Soudan du Sud et en Somalie, a lancé un appel à une mobilisation urgente, réclamant 4,4 milliards de dollars à la communauté internationale d’ici juillet pour « éviter une catastrophe. »

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A la grande surprise, la République démocratique du Congo se retrouve parmi ces pays dans la classification des crises humanitaires à travers le monde. L’ONU affirme ainsi que la crise en RDC est du niveau L3, la même que celle de ces pays en guerre, y compris la Syrie: un conflit planétaire qui dure depuis six ans, dévastant ce pays et faisant plus d’un demi million de morts. La révolte, qui deviendra une guerre sans fin, fait déjà 7 millions de réfugiés, 6,3 millions de déplacés internes (sur une population estimée à 23 millions) et d’un pays en ruines, le conflit syrien a permis de redessiner l’échiquier international.

Si le bain de sang se poursuit aujourd’hui en Syrie, notamment dans la Ghouta orientale, dans les provinces d’Idleb (entre rebelles), de Deraa et à Afrin, la communauté internationale reste impuissante.  L’intervention directe de la Russie et de milices étrangères dirigées par l’Iran à l’automne 2015 ont rejoint celle de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Les deux blocs interviennent avec toute leur puissance de feu, bombardant jour et nuit le pays.

C’est dans ce décore que l’ONU s’est décidée d’organiser une levée de fonds, le 13 avril à Genève, pour faire face à la situation en RDC.  Evidemment, la situation ne plait pas à Kinshasa, qui accueille même des réfugiés des pays comme le Sud Soudan ou encore le Burundu en proie à des conflits sur son sol.  Alors comment comparer une telle crise à celle qui sévit certes en RDC? S’interroge notamment Léonard She Okitundu, le chef de la diplomatie congolaise. Le vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères est « choqué par cette classification de la crise congolaise, alors que le pays, dit-il, ne fait pas autant face à une guerre civile à cette échelle mondiale. »

La RDC n’est pas la Syrie

Au début, la RDC pose cependant des conditions avant de confirmer sa participation à cette réunion des bailleurs de fonds, en Suisse. Le gouvernement congolais exige en effet une concertation préalable avec les organisations humanitaires. Les autorités accusent les ONG de donner une image trop négative du pays. Mais rien ne sera fait.

Mardi 3 avril à Kinshasa, le ministre Okitundu monte au créneau. Lors d’une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères, il divulgue une lettre adressée par le gouvernement congolais au Secrétaire général de l’ONU, António Guterres à ce sujet. «Dans ce document, nous avons fait part au secrétaire général des Nations unies notre étonnement de voir la RDC classer en L3, c’est-à-dire le niveau de gravité le plus élevé. Catégorisation qui projette une image de catastrophe extrême et généralisée», a décrié Léonard She Okitundu.

Selon lui, la situation humanitaire de la RDC est assimilée à certains pays du monde «où se déroule des guerres à haute intensité engageant des armées de plusieurs pays avec des bombardements massifs et récurrents depuis de nombreuses années et accompagné d’un effondrement de l’Etat.»

«Ce qui n’est absolument pas le cas en RDC qui fait plutôt face à des attaques non conventionnelles et asymétriques des groupuscules terroristes et des groupes armés criminels», a indiqué le chef de la diplomatie.

Il y a cependant une crise humanitaire en République démocratique du Congo. Au centre, dans la région du Kasaï, l’armée, qui y a affronté durant plus d’un an des miliciens du chef coutumier Kamwina Nsapu, peine à stabiliser la situation. Dans l’est ou encore un peu plus au sud, des conflits communautaires font de plus en plus des victimes, alors que la situation globale, comme dans l’Ituri (nord-est), reste volatile.

De son côté, Léonard She Okitundu reconnaît que la situation humanitaire de la RDC n’est pas «moins préoccupante» mais s’insurge contre «l’exagération dans la description qui ne correspond nullement  à la réalité sur le terrain.» «Elle est même contreproductive pour l’image de marque et l’attractivité de notre pays, et agit comme repoussoir pour les investisseurs potentiels en RDC. Ce qui va à l’encontre de l’intérêt majeur des populations congolaises», a-t-il fait savoir.

Kinshasa appelle donc l’ONU à une meilleure concertation autour de cette crise, d’autant plus qu’elle souhaite engager prochainement des discussions sur le départ de sa mission au pays, la MONUSCO, dont la présence qui date d’une vingtaine d’années, ne donne pas de véritable résultat.

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