« Les digues républicaines et patriotiques ont cédé et la haine menace d’emporter avec elle l’unité et la cohésion nationale » (Germain Kambinga)

Président du parti politique « Le Centre », Germain Kambinga, a fait le point sur l’actualité, ce lundi 12 juin au sein même de leur siège à Kinshasa, en face des chevaliers de la plume. Le constat fait par « Le Centre » depuis quelques mois, dit-il, est celle d’une dérive de et dans la RDC dont il estime particulièrement inquiétante qui, si on y prend garde, prévient le Président Kambinga, précipitera le pays dans un abîme duquel il risque de ne pas se relever avant de nombreuses années.

« En écoutant les congolais et en scrutant les discours de la classe politique, on observe avec beaucoup de regret, de circonspection et même d’amertume le glissement de notre corps social vers la haine et la division. La haine de l’autre du fait de son ethnie, la haine de l’autre du fait de son positionnement politique, la haine de l’autre du fait de ses origines, la division de notre pays pour le tirer vers les profondeurs abyssales du séparatisme, dans le seul but de voir échouer un camp sont devenus le mode de fonctionnement de la société congolaise », déplore-t-il.

Dans son discours d’investiture prononcé le 24 janvier 2019, rappelle-t-il, le Président de la République Félix Tshisekedi déclarait : « Nous ferons de la réconciliation nationale l’une de nos priorités. Nous sommes convaincus de l’urgence de mettre en place rapidement une véritable procédure d’écoute et de dialogue dans l’ensemble du pays en prélude à un Forum de réconciliation qui réunira toutes nos forces vives ». Plus de deux ans après sa prise de fonction, Germain Kambinga relève que le pays de Lumumba a plus que jamais grand besoin de ce Forum de vérité et de réconciliation nationale.

Publicité

« En effet, les forces centripètes organisées en société de cour autour du chef de l’Etat s’opposent aux forces centrifuges organisées tels des kamikazes politiques, tout cela bien entendu allant fondamentalement à l’encontre des réels intérêts de la République Démocratique du Congo », a déclaré M. Kambinga.

Comment comprendre que des compatriotes puissent exprimer leur souhait de voir la situation sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 se détériorer et engendrer de nombreux morts parmi les congolais, si ce n’est le climat politique de haine qui gangrène notre pays.
Comment comprendre que des congolais en arrivent à souhaiter la déroute et la défaite de nos forces armées à l’Est, s’ils ne sont pas motivés par la volonté haineuse d’étaler de façon radicale la suprématie de leur attachement politique à un camp plutôt qu’à un autre et cela au détriment de la cause nationale. Inacceptable !

Comment comprendre que certains compatriotes, leurs écrits sur les réseaux sociaux faisant foi, aient pu souhaiter que le bilan de l’éruption du volcan Nyiragongo s’alourdisse, si ce n’est la volonté haineuse d’exprimer leur opposition au régime en place même de la façon la plus inhumaine. Nos valeurs ancestrales ne peuvent excuser cela !

Comment comprendre que pour des intérêts personnels, pour des intérêts purement politiques, notre société en soit arrivée à mettre le scellé sur les pensées intelligentes et prospectives, à privilégier le trafic du mensonge et le fanatisme ? Que l’on déverse désormais la haine dans l’espace public au détriment d’une vraie réflexion sur le devenir de notre chère Nation ?

« Les digues républicaines et patriotiques ont cédé et la haine menace d’emporter avec elle l’unité et la cohésion nationale, ouvrant par-là même un boulevard pour les forces obscures qui n’espèrent que la balkanisation de ce géant africain qu’est la RDC », souligne-t-il.

Et de poursuivre : « Face à toutes ces dérives, Le Centre en appelle à un sursaut patriotique de tous les fils et de toutes les filles de la RDC. Il est temps que nous mettions de côté nos intérêts égoïstes et que nous travaillions à l’harmonie de notre Nation, car un pays sans harmonie ne peut prospérer dans quelque domaine que ce soit.
Notre pays a besoin d’une action immédiate de ses fils et filles, de tous ses fils et filles. Nous n’avons pas besoin de ses pas en arrière, mais plutôt des pas en avant ! Nous n’avons pas besoin de retourner vers les ruines hideuses et difformes de notre passé pas si lointain ! Nous devons tous marcher du même pas et du même cœur, pour la construction d’une RDC rayonnante pour l’avenir ».

Voilà pourquoi, pouvait déclarer le Président bde « Le Centre », nous devons prendre le courage de nous regarder en face et de reconnaitre que les raisons qui servent de terreau fertile à cette haine grandissante sont connues. « Mettre la poussière sous le tapis ne rend pas la maison propre ! », lance-t-il.

Quelques raisons qui alimentent cette haine grandissante

Ne savons-nous pas que de nombreux conflits communautaires minent la paix dans nos entités décentralisées ?

Ne savons-nous pas que le tribalisme a pris des proportions inquiétantes et que, de par ce fait, les congolais se regardent en chien de faïence et sont prêts à en découdre ?

Ne savons-nous pas que les processus électoraux de 2006, 2011 et 2018 ont fortement clivé le corps social congolais ?
A ceux qui feignent de l’ignorer, je voudrais ici rappeler ces quelques faits saillants qui démontrent que notre pays est divisé, qu’il vit sous la menace sourde d’une implosion dont les effets hypothèqueront à jamais l’avenir de notre Nation.

  • qui de nous ne voit pas que les balubas, victimes de l’absurdité de cette haine grandissante anti-luba, se réfugient dans un repli identitaire d’auto défense ? Qu’ils ne supportent plus, comme beaucoup de Congolais républicains et respectueux des institutions, le manque de respect, les propos outranciers et attentatoires à la légitimité ainsi qu’à l’autorité du Chef de l’Etat originaire de ce groupe sociologique ?
  • qui de nous ne perçoit pas la colère des communautés de base du Kasaï qui supportent mal les critiques acerbes qui sont proférés à l’endroit de leurs fils et filles jetés en pâture lorsqu’ils sont nommés à des fonctions publiques, au mépris souvent de leurs compétences et de leurs aptitudes avérées ? Ou lorsque la première dame de la RDC, au mépris de nos traditions, est vilipendée par des inciviques à travers différents médias ?
  • qui parmi nous voudrait ignorer que les congolais du Bandundu province d’origine de monsieur Martin FAYULU MADIDI, dans une large majorité avec d’autres d’ailleurs, présent en RDC ou dans la diaspora, n’ont pas encore fait le deuil du processus électoral de 2018 et voient dans les prochaines échéances électorales l’occasion de bien plus qu’une alternance mais bien d’une vengeance ?
  • qui franchement ne sait pas que la communauté Swahili est frustrée et se sent marginalisées, quand elle n’a pas l’impression d’un acharnement sur elle ?
  • comment ne pas se poser la question de ce que ressentent les communautés de base du nord et du sud Kivu lorsqu’elles suivent l’actualité judiciaire en lien avec un des leurs, Monsieur VITAL KAMERHE ?
  • comment ne pas se poser la question de ce que ressentent les communautés de base du Katanga face à la situation judiciaire de l’homme de Dieu, le Pasteur NGOY MULUNDA Daniel ou lorsqu’elles envisagent la possibilité que, par une gymnastique législative, un des leurs, Monsieur Moise KATUMBI CHAPWE, soit privé de certains droits politiques ?
  • voudrions-nous ignorer sérieusement que la situation judiciaire de Monsieur MATATA PONYO MAPON risque d’être considérée par les communautés de base du Maniema et du Kivu comme incompréhensible ? Bien que silencieuses en apparence, pensons-nous sincèrement qu’elles acceptent et approuvent cette situation ?
  • voudrions nous sérieusement ignorer que la situation humiliante dans laquelle s’est retrouvée le Président de la République Honoraire de la RDC, SE JOSEPH KABILA, qui s’est vu arracher au travers d’un processus assez singulier sa majorité, et les actes inciviques et irrespectueux commis à longueur de journée contre Madame OLIVE LEMBE KABILA, ancienne première dame de la RDC dont la générosité se traduit par un activisme social de terrain, pourraient constituer aux yeux des communautés de base de véritables casus belli pour l’avenir ?
  • Comment, en nos âmes et consciences, nous pouvons faire semblant d’oublier le traumatisme et la colère des Bangalas comme de beaucoup de congolais ? Eux qui, depuis 1997, n’ont pas encore fait le deuil de la chute brutale du régime de Mobutu et attendent toujours le rapatriement de sa dépouille ; eux qui n’ont pas encore digéré les résultats du processus électoral de 2006.
  • Pouvons-nous réellement croire que les communautés de base de la grande Province de l’Equateur ne vivent pas avec une grande amertume la situation actuelle des droits politiques de Monsieur Jean Pierre BEMBA qui, après avoir été innocenté par la CPI, se voit privé par des juridictions locales du droit de se présenter pour un mandat électif ?

-Jusqu’à quand allons-nous penser, sans conséquence, les frustrations sociales des nés Kongo. Ce peuple à l’identité culturelle forte et dont l’activisme identitaire et citoyen à la fois a servi de ferment à l’éclosion de la conscience nationale ayant conduit à l’indépendance de notre pays.

Nous avons voulu énumérer ici de façon non exhaustive quelques une des raisons qui alimentent cette haine grandissante et qu’il conviendrait de juguler à travers un dialogue non pas des politiques pour un partage conclusif des postes mais des communautés de base d’abord et de l’ensemble des groupes sociaux dont les politiques ensuite. Il est temps pour le Congo de sortir de la nation émotionnelle pour devenir cette nation rationnelle qui amorcera son décollage. Ce dialogue doit aussi être l’occasion de débattre sans passions et sans faux semblant de notre échec collectif depuis 1960, s’agissant notamment de l’importante question du développement économique et social de notre pays. Il devient de plus en plus inadmissible et intolérable que dans un pays si riche vive un peuple si pauvre !

À Félix Tshisekedi : Conférence de vérité et réconciliation

C’est pourquoi, se référant à ce discours et à cet engagement de Monsieur le Président de la République, Le Centre appelle solennellement à la mise en place d’une Conférence vérité et réconciliation pour qu’ensemble les fils et filles de la RDC, avec le juste courage d’une unité nationale et en recherchant des valeurs morales anciennes mais précieuses, puissent travailler à la construction d’une vie nationale équilibrée et durable.

« Excellence, Monsieur le Président de la République, il s’agit d’un impératif catégorique auquel notre pays n’a plus ni le temps ni les moyens de se soustraire, au risque d’imploser définitivement. Réconcilier les congolais, Monsieur le Président de la République, sera sans doute le plus bel héritage que vous aurez laissé à cette belle nation et à la postérité lorsque vous aurez pris congé de vos charges », appelle Le Centre.

Toutefois, Le Centre a, à travers le discours de son président, spécifié que le sens de leur démarche n’est pas celui de s’ériger en donneur de leçons mais bien celui d’un groupe politique qui, fidèle à sa vision se veut être une force de proposition constructive pour la RDC.

Hervé Pedro

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading