Noël Tshiani aux katumbistes : « il faut se demander s’ils sont congolais ou bien s’ils soutiendraient des candidats qui sont réellement congolais »

Noël Tshiani, promoteur d’une proposition de loi qui vise à réserver la présidence de la République aux seuls congolais nés de père et de mère congolais, question selon lui de « promouvoir la souveraineté nationale et éviter l’infiltration étrangère au sommet de l’État », ne cesse de vulgariser l’opportunité de son initiative. Dans un entretien accordé à POLITICO.CD, il a expliqué que sa proposition est « une mesure de prudence pour que le Congo soit géré par les congolais purs ».

La démarche de Noël Tshiani paraît indigeste pour les proches de Moïse Katumbi. Tshiani, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, est caricaturé comme un « pyromane aux propos minables ». Olivier Kamitatu l’accuse de vendre « un remède miracle pour soigner un autre péril bien plus menaçant contre la RDC. »

Malgré cette réplique, Noël Tshiani qui se réjouit que « tous les congolais sont d’accord » avec sa proposition, estime qu’il faut se demander si ses détracteurs sont congolais ou bien s’ils soutiendraient des candidats qui sont réellement congolais. « Lorsqu’on est dans une salle, on s’adresse à 105 millions de congolais. On dit qu’il faut que le Congo soit géré par un congolais pur, 100% congolais et que personne ne proteste contre ça, je peux dire que les gens du MLC n’ont pas protesté contre ma proposition, les gens de l’Union sacrée n’ont pas protesté contre ma proposition, les gens du FCC n’ont pas protesté contre ma proposition. Alors si tout congolais est d’accord et qu’il n’y a qu’un petit groupe qui s’élève contre ça, alors il faut se demander s’ils sont congolais ou bien s’ils soutiendraient des candidats qui sont réellement congolais. Les autres sont acquis à la cause d’un individu qu’ils défendent mordicus. Moi, je n’ai pas cette intention », a-t-il confié.

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Noël Tshiani continue par ailleurs en affirmant, à qui veut l’entendre, que sa proposition « ne vise aucun camp politique ». Il insiste sur le fait que la RDC ne peut pas avoir des lois pour favoriser un individu au détriment de « l’intérêt général » : « Je m’occupe de tous les congolais et non d’un camp politique ou d’un individu. Une loi doit être impersonnelle et ne doit viser personne. Mais on ne doit pas faire des lois aussi pour favoriser un individu au détriment de l’intérêt général », se justifie-t-il.

« Apprenons du passé »

Le Député national Sam Bokolombe, proche de Moïse Katumbi, qualifie de diversion le débat identitaire sur l’éligibilité des candidats aspirant à briguer la magistrature suprême en RDC. Pour lui, au lieu de verser dans la question identitaire, Noël Tshiani, ancien fonctionnaire international, ferait mieux de proposer des pistes de solutions aux problèmes sociaux des congolais. Le débat sur la problématique identitaire ne va pas résoudre les vrais problèmes sociaux des Congolais, dit-il.

« Afin d’éviter de recycler nos malheurs, apprenons du passé et ayons le sens de l’histoire. Avoir la mémoire vive inspire la gouvernance publique et y sert de boussole. En tant que norme de régulation sociale, le droit a pour vocation de résoudre les problèmes sociaux. Le congolais lambda est préoccupé par la corruption et les détournements de deniers publics qui saignent le Trésor. La question identitaire du judoka-pyromane vise quel objectif ? », s’interroge-t-il.

Éternelle boîte de Pandore

Véritable boîte de Pandore, la question de la nationalité des responsables politiques en RDC refait souvent surface, et de manière récurrente. En novembre 2016, le Porte-parole de Moïse Katumbi avait lui-même déclenché une semblable polémique en pointant la situation de Samy Badibanga, lorsque ce dernier avait été nommé Premier Ministre. Badibanga avait alors déclaré avoir renoncé à sa nationalité belge.

En 2018, Moïse Katumbi était accusé « d’usurper la nationalité congolaise ». Bien que ce scénario demeure encore sujet à caution, plusieurs sources affirmaient qu’il est probable que Moïse Katumbi ait acquis (de l’an 2000 à 2017) la nationalité italienne par le biais de son père. Ce dernier est en effet né sur l’île de Rhodes, qui se trouvait, durant l’entre-deux-guerres, sous la domination de l’Italie fasciste. Une parenté dont aurait pu se prévaloir Moïse Katumbi pour acquérir la nationalité italienne, en vertu de la législation en vigueur dans la péninsule.

Et c’est ainsi que « la congolité » se retrouve une nouvelle fois au cœur du débat politique en RD Congo. « Qui est zaïrois et qui ne l’est pas ? » Sous Mobutu Sese Seko déjà, la question se posait avec acuité.

Une guerre est même née dans l’Est, il y a plus de vingt ans, pour cette raison. L’actuel Sénateur Moïse Nyarugabo Muhizi, membre d’un mouvement rebelle à l’époque, a confié à Jeune Afrique « qu’en 1994, lorsque des réfugiés hutus sont arrivés en nombre au Congo, ils ont assimilé tous les Tutsis à des militaires de Paul Kagame, et ils les ont pourchassés à Goma, Bukavu ou bien Uvira. Beaucoup de Tutsis ont fui au Rwanda, puis sont revenus au Congo deux ans plus tard, raconte-t-il. Ce sont eux qui ont été les fers de lance de la rébellion de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Mais dans cette guerre, les Tutsis ne se battaient pas pour prendre le pouvoir. Ils se battaient pour recouvrer leur citoyenneté ! »

Stéphie MUKINZI

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