RDC: L’application des mesures de grâce Présidentielle monnayée à Makala?

L’exécution de la décision du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi d’accorder la grâce présidentielle à quelques condamnés n’a pas encore fini de produire des effets surprenants. Elle réjouit, elle étonne, et elle énerve. C’est selon que l’on est bénéficiaire, analyste ou juriste.

Condamnés pour détournement des déniers publics dans le cadre du procès dit des 100 jours du Chef de l’Etat, les Directeurs Généraux de la Société Congolaise de Construction (SOCOC) Modeste Makabuza ainsi que de l’Office des Voiries et Drainages (OVD) Benjamin Wenga ont été libérés. Des condamnés pour détournement des deniers publics.

Ces libérations sont un motif de réjouissance. Quelques jours après la sortie de la prison de Makala de Modeste Makabuza, la société civile du Nord-Kivu, dans un communiqué rendu publique ce lundi 11 janvier 2021, a tenu à remercier le Président de la République pour avoir libéré « le notable Modeste Makabuza » et a sollicité auprès du Président  « la finalisation desdits travaux en villes de Goma et Bukavu retenues dans le projet des 100 jours, comme ce fut le cas pour les sauts-de-moutons qui ont été inaugurés à Kinshasa ». Même réaction pour les communautés du Nord-Kivu réunies au sein du « Baraza la wazee ». Cette structure fédératrice de toutes les communautés du Nord-Kivu se dit reconnaissante face à cette « grâce présidentielle accordée à Modeste Makabuza ».

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Comment l’on procède à ces libérations étonne. Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Expert et Analyste des questions politiques et sécuritaires de la République Démocratique du Congo et de l’Afrique médiane dénonce un fait troublant : le monnayage des libérations pourtant sensées être gratuites. Sur son compte Tweeter, il lance l’alerte : « La direction de la prison de Makala a instruit les greffiers de monnayer le traitement des dossiers des détenus éligibles à la grâce présidentielle alors que la procédure est gratuite. Il y a aussi d’autres pratiques illicites mises en place dans la prison pour enrichir la direction ». Non. Tout n’a pas été dit. Voici à présent un témoignage qui laisse stupéfait : « Un détenu m’informe que sur ordre de la direction de la prison de Makala, les greffiers de Makala exigent de l’argent aux détenus éligibles à la grâce présidentielle, 100.000 Francs Congolais (soit 50 dollars américains) pour traiter leurs dossiers de libération. Un système de concussion institutionnalisé qui enrichit les directeurs ».

La question énerve aussi. Maître Georges Kapiamba de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) a crié au scandale, alors que Florimond Muteba de l’Observatoire des Dépenses Publiques (ODEP), lui, estime que ces deux libérations plongent le pays dans la culture de l’impunité. Jonas Tshiombela, Coordonnateur de la Nouvelle Société Civile du Congo (NSCC), n’est pas allé par quatre chemins. Contrairement à d’autres activistes des Droits Humains, ce dernier a carrément exigé la démission immédiate du ministre intérimaire de la Justice Bernard Takaishe Ngumbi. « Les deux DG doivent retourner obligatoirement en prison », a-t-il martelé.

Ces libérations contestées ont même créé des frustrations. Les avocats de Fulgence Baramos, Directeur Général du Fonds National d’Entretien Routier (FONER), regrettent que leur client n’ait pas recouvré la liberté. Et pourtant, à en croire ces avocats, ils étaient tous dans le même lot. C’est-à-dire, condamnés pour détournement avec Modeste Makabuza et Benjamin Wenga.

Quelle posture adopter au bout du compte ? La réjouissance ? L’étonnement ? L’énervement ? Ou encore la frustration ?

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