Rapport d’audit financier de 2019 de la BCC: Entre incohérences et déficit grave

La Banque Centrale du Congo, BCC, a publié ses états financiers 2019 sur son site internet officiel. Il s’agit d’une première en RDC pour cet établissement public dont les missions sont dévolues au termes de la Loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 portant constitution, organisation et fonctionnement de la Banque Centrale du Congo.

Ces missions sont les suivantes :

  • mettre en oeuvre la politique monétaire du pays dont l’objectif principal est d’assurer la stabilité du niveu général des prix donc, assurer la stabilité interne et externe de la monnaie nationale ; 
  • détenir et gérer les réserves officielles de la République ;
    édicter les normes et règlements concernant les opérations sur les devises étrangères ;
  • participer à la négociation de tout accord international comportant des modalités de paiement et en assurer l’exécution ;
  • élaborer la réglementation et contrôler les établissements de crédit, les institutions de micro-finance et les autres intermédiaires financiers ;
  • promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement ;
  • promouvoir le développement des marchés monétaires et des capitaux.

La publication de ces états financiers est une exigence de transparence du Fonds Monétaire International (FMI) avant de lancer des négociations en vue d’un véritable programme d’assistance à la RDC.

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Dans cet audit des états financiers de la Banque Centrale du Congo réalisés par le cabinet d’audit Deloitte, on peut constater qu’au 31 décembre 2019, le compte général du Trésor était très déficitaire et tous les feux étaient au rouge.

Existence des sous-comptes qui auraient dû être soldés il y a bien longtemps#

Plusieurs incohérences peuvent être observées comme les sous-comptes créditeurs du compte général du trésor (déficitaire) : appui budget UE, sommet francophonie, créances de biens zaïrianisés.

Ce qui est très surprenant, c’est que le sous-compte Appui Budget UE contient 50 millions au 31 décembre 2019 quand il n’y a plus eu depuis 2010.

Le dernier était presque de ce montant, selon le communiqué de la Délégation de l’Union européenne en République Démocratique du Congo du 17 octobre 2010, intitulé « L’Union européenne aide la République Démocratique du Congo à faire face aux conséquences de la crise économique » où on peut lire : « La Commission européenne a adopté aujourd’hui une décision de financement d’un montant de 50 million d’EUR en faveur de la République Démocratique du Congo (RDC) dans le cadre du mécanisme « FLEX Vulnérabilité » (V-FLEX).

« Un décaissement du V-FLEX sous forme d’un appui budgétaire ciblé qui assure le paiement des salaires d’enseignants est la façon la plus appropriée de s’attaquer aux problèmes financiers dont souffre aujourd’hui la RDC, et pour lesquels une réaction rapide est nécessaire au vu de la situation fragile de son économie », avait déclaré à cette occasion le Chef de Délégation de l’UE en RDC, M. Richard ZINK.

« Le financement sera donc versé sous forme d’un appui budgétaire ciblé qui permettra au gouvernement de la RDC de maintenir son niveau de dépenses publiques dans les domaines prioritaires, notamment dans le secteur de l’éducation, et ce, sans menacer la stabilité macroéconomique. Le décaissement est conditionné à un audit de vérification de l’exécution des dépenses gouvernementales dans le domaine de l’éducation primaire et secondaire, couvrant l’ensemble du montant de l’action (50 millions d’euros). »

La République Démocratique du Congo a été très fortement touchée par les deux crises successives de 2007/2008 (crise alimentaire) et 2008/2009 (crise économique financière). Ceci est notamment dû au fait que l’économie congolaise, et les recettes de l’Etat dépendent en grande partie des secteurs les plus affectés, à savoir les exportations des matières premières minières et pétrolières ainsi que l’exploitation forestière.

Bien que les prévisions économiques du FMI montrent une reprise en 2010, les répercussions de la crise se ressentent encore alors que les acquis restent fragiles.

Les 50 millions d’euros de la décision de financement V-FLEX s’ajoutent aux autres allocations pour le pays dans le cadre du Programme Indicatif National du 10ième FED. Des projets pour un montant de 320 millions d’EUR ont été approuvés en 2009 et sont en cours d’exécution. Ceux-ci couvrent un large ensemble de domaines tels que la gouvernance (soutien aux réformes de la Police, de la Justice, des Finances publiques; appuis aux parlements et à la Décentralisation); les services de santé, la réhabilitation des infrastructures routières et des voies navigables du Fleuve Congo; la protection de l’environnement ou encore les acteurs non étatiques, la lutte contre les violences sexuelles et la sécurité alimentaire.

Pour rappel, le mécanisme FLEX Vulnérabilité est un instrument de réponse rapide de l’Union européenne pour aider les pays qui ont été le plus affectés par la crise économique. Il a été crée en 2009 et a été doté de 500 millions d’EUR sur deux ans (2009-2010).

La décision d’allocation des fonds V-FLEX est déterminée selon une liste de critères, à la demande des pays.

Le V-FLEX cible les pays qui ont un haut degré de vulnérabilité économique, sociale et politique, qui mettent en œuvre des politiques appropriées pour combattre la crise et qui ont suffisamment de capacité d’absorption.

Le fait que le soutien de l’Union européenne puisse réduire significativement le déficit de financement fait également partie des critères.

Or il s’avère, selon ce rapport, qu’il existe une trentaine de sous-comptes, créditeurs eux, qui auraient pu servir à combler ce déficit du trésor public comme celui de l’ « Appui budgétaire Union européenne » cité ci-haut. Sur ce compte dorment plus de 50 millions de dollars.

On constate également dans ce rapport que l’existence des sous-comptes qui auraient dû être soldés depuis longtemps comme celui du Sommet de la Francophonie qui s’est tenu en 2012, mais qui ne l’ont pas été.

Aucune explication n’a été fourni par le cabinet Deloitte pour justifier cet état des choses.

Des dettes inexpliquées vis-à-vis du Rwanda et du Burundi

Dans ce rapport d’audit, on decouvre aussi que la RDC a plusieurs dettes en termes d’engagement en DTS.

Cette rubrique comprend:

  • les engagements en DTS de la RDC vis-à-vis du FMI constitués des cumulatives et de l’encours du prêt FRPC: en 2019 (en DTS), ces engagements sont de 816 951 257 et de 603 370 657 en 2018 (DTS), soit 1 886 150 en 2019 (CDF);
  • les créances en DTS des autres institutions financières non résidentes resultant des arriérés de paiement: ils sont de 3 859 496 en 2019 (en DTS) et de 3 859 496 en 2018 (en DTS), soit 8 911 en 2019 (CDF).

Dans ces engagements, on découvre que la BCC a des dettes envers le Rwanda et le Burundi en DTS.

Pour le Rwanda, ces engagements sont de 908 973 en 2019 (en DTS) et de 908 973 en 2018 (en DTS), soit 2 099 en 2019 (CDF);

Pour le Burundi, ils sont de 2 950 523 en 2019 (en DTS) et de
de 2 950 523 en 2018 (en DTS), soit 6 812 en 2019 (en CDF).

Il s’avère que la BCC ne donne aucune explication sur la manière dont ces engagements ont été pris et pourtant, cela porte sur quelques millions de dollars, selon ces états financiers.

Plusieurs dizaines de millions logés dans des banques commerciales, notamment la BGFI et à Afriland#

La BCC avait logé au 31 déc 2019 plusieurs dizaines de millions dans des banques commerciales.

Il s’agit principalement de la BGFI et à Afriland, 2 banques assez controversées et citées dans plusieurs rapports et dénoncées par des lanceurs d’alerte.

Bien que ces deux banques ont toujours démenties ces différents rapports et dénonciations à leur endroit.

À Afriland, il y avait presque autant qu’à City Bank, soit un total de 143 000 583 en Dollars USD et de 4 669 109 en Euros, 4543 en millions de CDF.

En ce qui concerne les avoirs en ME en cantonnement auprès des correspondants locaux tels que CITIBANK, BCDC, RAWBANK et TMB USD, dont le compte enregistre les fonds cantonnés auprès des correspondants locaux pour motif de « saisie arrêt « , au 31 décembre 2019, il affiche un solde de CDF 4 989 millions.

Or pendant ce temps, le FMI renflouait les réserves de change.

des créances avec des variations inexpliquées d’une année sur l’autre

La liste des créanciers de l’hôtel des monnaies, peut-être l’impression de documents spéciaux comme l’hologramme, des ministères comme ceux de l’EPST, Finances, le Secrétariat Général de l’ESU, des fonds (FPI), des banques privées comme ECOBANK, TMB, FINCA, Des entreprises publiques comme OCC, DGRAD, SONAS, CNSS, deux provinces (Haut-Katanga, Kongo Central), etc. avec des variations inexpliquées d’une année sur l’autre.

Par exemple, ces variations sont de 2 pour le Haut-Katanga en raison d’un solde de 87 pour le 31 décembre 2019 et de 85 pour le 31 décembre 2018 tandis que pour le Kongo central, la variation est de 257 en raison de 257 pour le 31 décembre 2019 et de 0 pour le 31 décembre 2018.

Pour TMB, elle est de -27 en raison de – pour le 31 décembre 2019 et de 27 pour le 31 décembre 2018.

Pour ARSP, elle est de 13, soit 13 pour le 31 décembre 2019 et de – pour le 31 décembre 2018.

Les créances sur les clients de l’hôtel de monnaie font un total de 4354 pour le 31 décembre 2019 et de 8997 pour le 31 décembre 2018, soit une variation de 4643.

Thierry Mfundu

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