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Martin Fayulu — Théodore Ngoy : une destitution contre Tshisekedi, proche de Kabila

Le 1er septembre à Kinshasa, Martin Fayulu a ouvertement apporté son soutien à une démarche de l’avocat Théodore Ngoy, visant à faire destituer le président Félix Tshisekedi, qu’ils accusent d’avoir violé la constitution en nommant les deux juges de la Cour constitutionnelle à la Cour de cassation, alors que ces derniers sont en plein mandat.  Le Pasteur Théodore Ngoy, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, comme Martin Fayulu, appelle le Parlement congolais à convoquer un congrès pour mettre en accusation le Chef de l’État pour l’infraction de « haute trahison » suite à son Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020, portant nomination des membres de la Cour Constitutionnelle et l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation.

Dans la même logique, Martin Fayulu qualifie les nominations de Félix Tshisekedi de haute trahison. « Non seulement qu’il n’est pas légitime, il pose des actes en violation intentionnelle de la Constitution. On ne peut pas laisser passer cet aspect des choses », a-t-il déclaré et d’ajouter: « C’est pour cela que je soutiens totalement l’action de Théodore Ngoy ». « Notre démarche est amorcée en rapport avec la violation intentionnelle et manifeste de la Constitution et des dispositions légales et règlementaires applicables à l’espèce. C’est dans ce cadre que nous avons échangé avec Martin Fayulu qui a adhéré à cette vision », a dit Théodore Ngoy.

Ngoy a déjà coalisé avec les Kabilistes contre Tshisekedi

Si les deux alliés de circonstance semblent être sur la même longueur d’onde, leurs motivations pourraient être totalement opposées. En effet, s’opposant à Félix Tshisekedi, estimant être « le président élu » à l’issue de la Présidentielle de 2018, Martin Fayulu reste cependant un farouche opposant à Joseph Kabila, l’ancien président congolais, qu’il continue de combattre et fustiger.  A son opposée, l’avocat Théodore Ngoy, bien qu’ayant été lui-même candidat à la Présidentielle et s’est toujours présenté comme un « opposant », n’est pas autant loin de la coalition de Joseph Kabila, encore moins de ses cadres.

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Les liens entre Théodore Ngoy et la coalition de Joseph Kabila datent. Mais les plus récents remontent à la veille même de la publication des résultats des élections du 30 décembre. Au 1er janvier 2019, alors que la situation politique est tendue à travers la RDC, des farouches partisans de Joseph Kabila ont tout fait pour faire publier des résultats favorables à leur candidat, Emmanuel Shadary, par la Commission électorale. Le même jour, une source proche du FCC a fait parvenir des présumés résultats à la rédaction de POLITICO.CD, qui semblaient proclamer la victoire du dauphin de Joseph Kabila.

Cependant, la Commission électorale a finalement proclamé, au 9 janvier 2019, Félix Tshisekedi comme victorieux de cette présidentielle. Néanmoins, selon nos informations, plusieurs cadres du Front commun pour le Congo (FCC) et même des dirigeants d’institutions de l’époque, proches de Joseph Kabila, ont essayé, à la dernière minute, de concocter un « plan » pour faire annuler les élections. « Il y avait deux plans : soit déclaré Shadary vainqueur, soit faire annuler les élections », explique une source qui a requis l’anonymat. « Avant même que Félix Tshisekedi ne soit déclaré vainqueur, un recours en annulation des résultats a été prévu au niveau de la Cour constitutionnelle et on travaillait à l’époque pour obtenir gain de cause », a ajouté ce cadre du FCC, ministre en fonction au moment des faits.

Ce plan se basait alors sur un argumentaire développé, à l’époque, par l’avocat Théodore Ngoy. « Le Pasteur Théodore a en effet été approché par nous à cette fin. Et un plan a été mis en place », ajoute notre source.  Deux autres sources, membres de la rédaction de POLITICO.CD, ont également vu le pasteur Ngoy le 31 décembre 2018 à l’Hotel Kempeski à Kinshasa en compagnie de trois cadres de la coalition de Joseph Kabila. Le mardi 1er janvier 2019, une requête a été introduite par Théodore Ngoy à la Cour constitutionnelle, demandant l’annulation des élections du 30 décembre au motif d’irrégularités constatées lors de ce scrutin, ainsi que l’exclusion de 1 247 600 électeurs de Beni-Butembo(Nord-Kivu) et Yumbi (Maï-Ndombe)

Intervenant sur la radio locale Top Congo, Théodore Ngoy affirmera qu’il avait déjà saisi (le vendredi 28 décembre) la plus haute juridiction du pays, la cour constitutionnelle, par requête en inconstitutionnalité de la décision de la CENI de modifier le calendrier électoral et la circonscription électorale du candidat président de la République en reportant l’opération de vote à Beni, Beni ville, à Butembo ville et Yumbi, une violation des dispositions pertinentes et constitutionnelles. Sa requête était restée sans suite. Il a donc réitéré sa demande au 1er janvier 2019.  La deuxième requête ne donnera rien. D’autant plus que, la nuit du 2 au 3 janvier 2019, Joseph Kabila a rencontré Félix Tshisekedi. Les deux ont signé l’accord de coalition FCC-CACH, devenant ainsi alliés au pouvoir.

Une procédure Kabiliste portée par Fayulu

Aujourd’hui, la situation entre les deux alliés au pouvoir s’est dégradée. Le 17 juillet 2020, dans la foulée de son bras de fer avec ses alliés Kabilistes autour de la démission forcée du juge-président Benoit Lwamba, le président Félix Tshisekedi a procédé au remplacement de deux juges de la Cour constitutionnelle. Mais le FCC n’accepte pas ces changements et avait promis de prendre des mesures pour les contre-carrer.  Par ailleurs, les faits deviennent flagrants lorsqu’il est établi que ces ordonnances n’ont pas été contre-signées par le Premier ministre Sylvestre Ilunkamba, comme l’exige la loi. Pendant que ce dernier se trouvait en mission dans le Haut-Katanga, c’est étrangement le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Gilbert Kakonde, issu du parti du président, qui s’est octroyé ce pouvoir, citant un intérim, certes contesté.

« Ces nominations ne sont pas de nature à apporter la paix au sein de notre coalition. Elles sont faites de manière cavalière, en plus d’être illégales. La constitution stipule que la Cour constitutionnelle ne peut connaître de nomination venant du Président de la République qu’après 3 ans à l’issue d’un tirage au sort. Or, le président Joseph Kabila Kabange avait déjà nommé 3 juges en 2018. Et donc, il n’y avait ni opportunité, ni vacance pour nommer des nouveaux juges. De plus, les trois juges devaient venir des trois composantes, ce qui n’a pas été le cas. Ils sont nommés unilatéralement et sont tous issus d’une seule composante. C’est totalement illégal », explique Adam Chalwe Munkutu, Secrétaire national du PPRD, parti de Joseph Kabila. 

Du côté du parti du président Félix Tshisekedi, on estime donc que la procédure de destitution vient des Kabilistes. Pour Augustin Kabuya, ce n’est un secret pour personne que le FCC ne jure que sur la tête du président de la République. « C’est le FCC qui est derrière ça. Mais M. Fayulu doit comprendre une chose : il avait monté un coup à Genève, ce coup-là n’avait pas réussi. Le chef de l’Etat n’a jamais violé la constitution. Le FCC a déjà un schéma qu’il a déjà planifié pour nous faire du mal. Nous sommes au courant de leurs plans et nous allons nous défendre », réplique Augustin Kabuya.

Une plainte a été déposée le week-end dernier par une ONG locale, le Centre de réflexion juridique de la lutte contre l’impunité (CRJLI). Cette organisation accuse Martin Fayulu et Théodore Ngoy d’incitation à la révolte envers l’autorité publique et d’offense au chef de l’État. Dans sa plainte, elle va jusqu’à affirmer que les deux hommes pourraient porter atteinte à la vie de Félix Tshisekedi. Si une convocation de la justice congolaise diffusée sur les réseaux sociaux et relayées par les médias, s’est avérée être fausse, Martin Fayulu se retrouve néanmoins au cœur d’un duel politique entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, au risque de paraître, à travers sa coalition avec l’avocat Ngoy, de jouer au jeu de l’ancien président.

Mike Mukebeyi, député provincial élu de la coalition de Lamuka, dont Martin Fayulu est membre, a affirmé dans une émission télévisée que le président de l’Ecide a rencontré des cadres de la coalition de Joseph Kabila, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda, qui serait à la base de cette procédure de destitution contre le président Félix Tshisekedi. Des informations démenties du côté du FCC, y compris par des proches de Fayulu.

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