L’éternel cercle vicieux à la commission électorale en RDC

Assurément le choix des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est devenu un éternel bégaiement et une entorse au décollage de la vraie démocratie en RDC. Si l’expression peut paraître ambiguë à première vue, les faits s’avèrent quant à eux vrais, en eux-mêmes, étant donné que lorsqu’il s’agit du choix du président de la CENI, l’acte tourne toujours à une guerre fatricide entre les différents membres de la classe politique congolaise et même de la société civile dont les confessions religieuses, bras séculier de la société civile où l’on trouve un amalgame des religieux et des religions. Bref! Un véritable capharnaüm!

Depuis les élections de 2006, tous les choix du candidat président de la CENI n’ont jamais fait l’unanimité au sein de la classe politique congolaise. Hormis l’AMP en 2006, la MP en 2011 et le FCC en 2018, toute la classe politique et la société civile se disent toujours prisent de cours lorsque la majorité présidentielle, grâce aux intrigues dont elle seule a le secret, parvient à faire désigner le candidat de son choix même au sein des confessions religieuses qui ont le monopole de choix du candidat président de la CENI.

Ni le pasteur Ngoy Mulunda en 2011, ni le bref retour de l’abbé président Apollinaire Malu Malu et encore du très catholique Corneille Nangaa n’ont fait l’unanimité au sein de la classe politique congolaise.

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Que dit la loi à ce propos?

La loi organique N°13/012 du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi organique N°10/013 DU 08 JUILLET
2010 portant organisation de la CENI dans son article 10 stipule:

La CENI est composée de 13 membres désignés par les forces
politiques de l’Assemblée Nationale à raison de 6 délégués dont
2 femmes par la Majorité et de 4 dont une femme par l’Opposition politique.

La Société Civile y est représentée par 3 délégués issus
respectivement de :

  1. confessions religieuses ;
  2. organisations féminines de défense des droits de la femme ;
  3. organisation d’éducation civique et électorale.

Sans préjudice des dispositions des alinéas 1 et 2 du présent article,
la désignation des membres tient compte de la représentativité
nationale.

Les catholiques et les protestants ont ils été piégés?

Réunis au complexe scolaire Cardinal Monsengwo le mardi 02 juin 2020, les Chefs des confessions religieuses ont confié à leur secrétariat technique, la tâche de mettre ensemble les dossiers des candidatures reçus et de procéder à la présélection des meilleurs profils pour faciliter la désignation du délégué commun à la CENI étant donné que l’équipe Corneille Nangaa est réputée démissionnaire. Le samedi 06 juin 2020, les membres du Secrétariat technique de la plateforme se sont retrouvés à la Cathédrale du Centenaire protestant sous la direction de leur Coordonnateur, Monsieur l’Abbé Donatien Nshole.

Le Secrétariat technique a réuni 24 dossiers des candidatures avant d’en sélectionner 6 sur base du CV et particulièrement du niveau d’études et de l’expérience du candidat dans le domaine électoral. Le lundi 8 juin 2020, les Chefs des confessions religieuses se sont retrouvés au complexe scolaire Cardinal Monsengwo pour recevoir le rapport du Secrétariat technique et désigner leur candidat commun. Ensemble, ceux-ci, ont approuvé le rapport du Secrétariat technique concernant les 6 candidats présentés.

Le mercredi 10 juin, une querelle éclate entre l’Eglise catholique et les Eglises protestantes d’une côté, face aux autres confessions religieuses, dont l’Eglise Kimbanguiste et la confession musulmane. Selon l’abbé Donatien Nshole, porte-parole de la CENCO, la plate-forme des confessions religieuses s’est réunie lundi et mardi 9 juin à Kinshasa sur demande de la présidente de l’Assemblée nationale pour désigner son candidat commun à la CENI. Après échange, il n’a pas été possible de dégager un consensus sur le choix d’un candidat sur les trois en lice. D’où la décision des Catholiques de retirer leur candidat.

L’abbé Donatien Nshole, a par ailleurs réfuté les rumeurs selon lesquelles le cardinal Fridolin Ambongo aurait tenté d’imposer son candidat.« Pour faciliter les négociations, c’est le cardinal qui a retiré le candidat de la CENCO. Quelqu’un qui veut imposer son candidat, peut le retirer au moment où on n’a rien à lui reprocher ? Appréciez la hauteur, l’esprit et l’abnégation de la CENCO qui a retiré son candidat pour faciliter les négociations. Cela veut dire que la CENCO ne peut pas accepter n’importe qui » , prévient l’abbé Donatien Nshole qui ajoute:« Le peuple congolais attend de nouveaux animateurs de la CENI qui puissent redonner confiance à cette institution d’appui à la démocratie. Pour le peuple congolais, vous conviendrez avec moi, il n’est pas question de reconduire le système qui nous a mis dans cette situation ».

De leur côté, les autres confessions religieuses ont une autre version d’histoire. Dans une mise au point du 12 juin 2020, elles affirment que « c’est lorsqu’il fallait départager les 6 candidats que les discussions sont devenues difficiles. »

Selon elles, « soit 3 de 6 candidats ont été accusés d’être portés par une force politique et de ce fait, pour réussir le pari d’une désignation consensuelle, ces trois candidats ont été écartés. Il restait ainsi en lice, les candidats Ronsard Malonda, Eale Bosela et Cyrille Ebotoko.« 

La Communauté islamique, l’église Kimbanguiste, l’Union des églises Indépendantes du Congo, l’église de Réveil du Congo, l’église Orthodoxe et l’Armée du Salut dans leur mise au point du 12 juin dernier, notent qu’à l’issue d’un vote et d’un processus d’éliminations, Ronsard Malonda a obtenu 6 voix sur 8 donc 2 pour Eale Bosela. Tirant les conséquences de ce fait, les 6 chefs des confessions religieuses l’ont désigné comme leur délégué commun à la CENI.

Les catholiques dénoncent

Une version dénoncée par les catholiques et les protestants qui se disent avoir été induits par erreur par les autres confessions religieuses et dénoncent la corruption ayant émaillé le processus de désignation du dit candidat. Dans une interview exclusive accordée à Politico.cd, le Secrétaire général de la CENCO, Abbé Donatien Nshole, sur la désignation du futur président de la CENI, a déclaré que les catholiques vont se retirer des discussions et appellent plutôt à une réforme totale du système électoral.

Sur la candidature de Ronsard Malonda qui est le secrétaire exécutif national de la CENI sortant, « La CENCO et l’ECC s’opposent farouchement à cette candidature pour la simple raison que c’est un choix de la continuité du système de la CENI que nous avons tous décrié. A moins que l’on me dise que la majorité des congolais était contente du travail qui a été fait. Ce n’est pas à cause du manque de technicité ou de manque de professionnalisme du candidat mais c’est simplement le fait que c’était lui, la plaque tournante du point de vue technique, l’artifice de tout ce qui a été boutiqué et dont les conséquences sévissent encore aujourd’hui dans la gouvernance », a déclaré l’abbé Donatien Nshole.

S’agissant des reformes de la CENI, le Secrétaire général de la CENCO a reconnu que c’était une erreur de vouloir mettre les animateurs de la CENI avant la réforme de cette institution. « Nous y travaillons dans le cadre du consortium des certains regroupements de la société civile qui travaillent sur les questions des réformes électorales notamment la commission justice et paix. Voilà! C’est une erreur! je le reconnais de vouloir mettre la charrue avant les boeufs. Nous étions quelque peu piégé« , avoue l’abbé

« On nous a fait croire que les autres composants de la société civile s’étaient réunis et avaient déjà leurs candidats. Ce qui ne me semble pas vrai. Heureusement que les autres organisations de la société civile nous ont interpellé. Voilà pourquoi pour la CENCO, aujourd’hui, admet pour priorité la réforme électorale qui pourra aussi prendre en compte la façon de désigner les membres de la CENI en tenant comme des expériences passées. Pour nous c’est ce qui doit venir avant la désignation des candidats« , ajoute-t-il.

Pour la CENCO, la désignation n’est donc plus une priorité actuellement, « avec la lumière et l’interpellation des autres organisations de la société civile, il serait irresponsable d’ignorer que l’ensemble de la population congolaise a perdu confiance au processus électoral. Il faudrait redonner confiance à ce peuple. Et la meilleure façon de le faire c’est lui dire que voilà: ce n’est pas avec loi que nous allons aux élections, ce n’est pas avec la même CENI et les gens pourront regagner confiance.« 

L’opposition et la société civile s’en mêlent

Comme il fallait s’y attendre, la principale force de l’Opposition, la coalition Lamuka avec ses principaux chefs : Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Adolphe Muzito et Martin Fayulu sont sortis de leur confinement. Dans une déclaration parvenue à Politico.cd le vendredi 12 juin, la coalition Lamuka dit avoir appris avec “consternation” les manœuvres orchestrées lors des réunions tenues les 8 et 9 juin par les chefs des confessions religieuses pour la désignation du nouveau président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).

Cette plateforme politique a invité les confessions religieuses à ne pas céder à la corruption mais à demeurer fermes dans le choix du président de cette institution d’appui à la démocratie. « Nous saluons la position de fermeté de certains hommes de Dieu et les encourageons à privilégier d’abord la réforme de la CENI et d’autres réformes institutionnelles. Nous restons convaincus que les hommes de Dieu prêcheront par l’exemple et n’accepteront pas, de ce fait, que l’argent de la bonté et de la corruption, susceptible de ternir leur image et de compromettre l’avenir de la nation, particulièrement le bien-être de la population”, rapporte cette déclaration.

Pour Lamuka, ceux qui ont pris part active à l’organisation des précédents scrutins ne doivent pas faire partie de la prochaine équipe de la CENI. “Nous sommes mobilisés pour que le choix des représentants du peuple, à tous les niveaux, sorte effectivement des urnes et reflète la volonté du peuple…Les personnes ayant pris une part active à l’organisation des élections passées doivent d’office être écartées, car ayant contribué aux fraudes massives que nous déplorons”, indique Lamuka dans sa déclaration.

De son côté, la société civile conteste également le vote des structures religieuses, soutenant les églises catholiques et protestantes. « En ce moment précis, le bureau sortant de la Commission Électorale Nationale Indépendante est en train d’organiser des réunions avec certaines organisations de la société civile prétendument relevant de la thématique élection pour procéder à son remplacement« , révèle Christophe Ngoy, coordonnateur général de la société civile de la RDC.

Intervenant sur TOP CONGO FM, ce défenseur des droits de l’homme affirme que cela se passe « au moment où au niveau du Parlement, le bureau qui va programmer l’audition du rapport de la CENI est en train de passer à la vitesse supérieure. » Il estime que « ce travail devrait se faire comme d’habitude au niveau du ministère de l’Intérieur qui convoque toutes les structures en présence et qui supervise. Ce n’est qu’après qu’il enverrait les conclusions auprès du bureau de l’Assemblée nationale qui, à son tour, vas les traiter et faire le rapport au Chef de l’État afin de publier éventuellement l’ordonnance.« 

Thierry Mfundu

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