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Les élections du 23 décembre en RDC ne servent à rien !

Au pied du mur, la République démocratique du Congo fonce droit vers des élections déjà contestables. Il est peut-être temps de les annuler. Une tribune du fondateur de POLITICO.CD.

Il n’y a plus de méchants ni de gentils en République démocratique du Congo ! Joseph Kabila qui était en tête de listes de « mauvais Congolais » a vu les sauveurs attitrés de la République lui contester ce titre depuis dimanche dernier, au point de désabuser toute une nation. A l’heure où Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe ont offert à la nation l’un de ses spectacles politiques les plus désolant, il ne faudra certes pas oublier d’autres acteurs à la base de cette tragédie.

Il y a d’abord Joseph Kabila lui-même. Sans doute le principal artisan de la décadence dans laquelle se trouve notre Nation aujourd’hui. Entraîné par la spirale de ses Conseillers obscures, le Chef de l’Etat l’est laissé aller dans l’idée saugrenue de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens, liquidant systématiquement ses propres acquis et réalisations, rendant le pays ingouvernable, tout en provoquant une crise politique insoluble. Depuis 2014, tout a été fait au Pouvoir pour converser le pouvoir. Le droit, le sens de l’Etat, l’honneur et la dignité ont été méthodiquement remis en cause par un système étatique inféodé. Les mêmes hommes qui ont été avec lui — à l’image du Professeur Tryphon Kin-kiey Mulumba dont je suis pourtant proche — se rebellent, loin toutefois de vouloir sauver le Congo et son peuple, mais en misant sur leur colère apparente pour obtenir des postes à venir et rester dans le flot.

Cependant, nul ne saurait tout imputer à Kabila. Car en face de lui, dès 2015, il y a le fameux groupe de 7 partis issus la Majorité présidentielle. Avec à sa tête l’ex-gouverneur Moïse Katumbi, ce groupe a profusément recopié le système Kabila dans une spirale d’alternance politique qui veut en réalité qu’eux-seuls succèdent au président congolais. De Genval à ce jour, Moïse Katumbi a milité à la tête des actions politiques et diplomatiques, dans un but systématique d’accéder quoi qu’il arrive à la magistrature suprême.  Son droit le plus légitime dira-t-on. Mais voilà, aux côtés de ceux-là qui ont fait de Kabila roi, le G7, Ensemble ou toute autre transformation de ce groupe a sérieusement œuvré pour et contre toutes les parties en lice, les affaiblissant, à son propre profit.

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Cette situation a naturellement entraîné les réactions épidermiques des autres structures de l’opposition. Vital Kamerhe, loin d’être un enfant de coeur, à la tête de son Union pour la Nation Congolaise (UNC), qui a subi un débauchage systématique de ses cadres par la coalition de Katumbi, ne pouvait qu’en garder une dent éternelle, allant parfois jusqu’à pactiser avec Kabila pour rester en vie. Quant à l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), ce parti qui a fondé la lutte pour la démocratie en RDC, il a surtout été au cœur de toutes les manipulations.

Dès 2015, Étienne Tshisekedi lui-même est à la base des négociations qui ouvriront les portes de l’opposition à Kabila. A Ibiza ou partout ailleurs, des cadres de ce mouvement vont alors dessiner le lit de la crise politique et du glissement du pouvoir actuel. Quand ils n’ont pas été avec Kabila, ils ont été au service de Moïse Katumbi, qui les utilisera pour tirer le drap du pouvoir de son côté à lui. A la mort de son leader historique, ce parti s’enfonce avec la nouvelle direction, tentant de jouer lui-même ses propres coups.

Nous sommes donc déjà en 2018. Joseph Kabila a un ascendant indescriptible sur ses opposants prévisibles et divisés. Quant à la population, elle sera longuement traumatisée par les forces de l’ordre déployées en masse dans les rues pour faire, au besoin, couler le sang. L’Eglise Catholique, qui se lève comme par miracle, finit elle aussi par se faire contaminer. Le CENCO ou encore son autre version Le Comité Laïc de Coordination, terminent tour à tour comme leviers d’ambitions du pouvoir et de l’opposition. Comme tous les acteurs, l’Eglise sera finalement utilisée à des fins politiques par chacun des camps en présence.  A l’image des mouvements citoyens qui ont été finalement soit combattus par des politiques, soit ont fini par se ranger derrière un camp comme un autre.

Aujourd’hui, en regardant de près, le fiasco de Genève sert la vérité à la nation. Une vérité dure à admettre mais bien réelle : aucune force politique ne peut triompher sur les anti-valeurs et sortir le pays de l’ornière. A Genève, Kabila et ses opposants se sont mutuellement affrontés, pour diverses raisons certes, mais ont fini par ôter à cette nation toute alternative crédible. Il ne faudra même pas rêver que des élections annoncées à la fin de cette année puissent y changer quelque chose. La crise de légitimité est tellement grande qu’une fracture béante existe aujourd’hui entre les populations et les acteurs de la scène politique au pays.

Alors oui, les prochaines élections ne servent à rien. Quiconque gagnera cette prochaine Présidentielle sera contesté. Félix Tshisekedi sera contesté par la coalition Lamuka, UNC et FCC. A son tour, Kamerhe subira les fatwas de l’UDPS et autres. Emmanuel Shadary ne peut pas à ce jour gagner légitiment une présidentielle sur terre. Ces faits sont irréfutables et doivent interpeller. Nous sommes, comme en 2001, devant une situation où chaque belligérant, détenant un morceau du peuple, veut une part du gâteau. Alors il faut faire comme à l’époque, leur donner ce foutu gâteau pour qu’on en finisse. Sun City, dialogue, accord, appelez-le comme vous voulez, mais il est temps que cette crise prenne fin loin du sang, du gaspillage des ressources et argent, mais autour d’une table. Mais à la différence de Sun City, il faudra en profiter pour y dégager un modèle politique digne de nos politiques et nous autres indignes de ces majestueuses terres du Congo.

LITSANI CHOUKRAN,
Fondateur de POLITICO.CD.

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