RDC : l’école turque SAFAK en voie d’être confisquée au profit de la fondation MAARIF

Alors que la rentrée scolaire 2018-2019 est prévue pour début septembre prochain en République démocratique du Congo (RDC), les élèves de l’école internationale turque « SAFAK » à Kinshasa et leurs parents ont été surpris d’apprendre, à travers les médias la confiscation, par l’Etat congolais, de cette école par excellence au profit d’une Ong pro-gouvernementale turque dénommée « Fondation Maarif ».

Alors que la rentrée scolaire 2018-2019 est prévue pour début septembre prochain en République démocratique du Congo (RDC), les élèves de l’école internationale turque « SAFAK » à Kinshasa et leurs parents ont été surpris d’apprendre, à travers les médias la confiscation, par l’Etat congolais, de cette école par excellence au profit d’une Ong pro-gouvernementale turque dénommée « Fondation Maarif ».

L’information n’a pas laissé indifférents les tout premiers bénéficiaires de cet établissement scolaire qui a fait ses preuves pendant quasiment douze ans, dans l’enseignement de qualité en RDC. Il s’agit des élèves de l’école SAFAK et leurs parents, mais aussi, les enseignants et tous les employés congolais qui travaillent depuis douze ans dans ce prestigieux établissement scolaire.

Selon l’Agence congolaise de presse (ACP) et la télévision nationale congolaise (RTNC), deux médias publics en RDC qui ont diffusé l’information, un protocole d’accord de partenariat scolaire a été signé, le 20 juillet 2018 en Turquie, entre le ministre congolais de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), Gaston Musemena et la « Fondation Maarif », une Ong proche du gouvernement turc de l’obédience de l’actuel président Recep Tayyip Erdogan.

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La même source note que, cet accord s’inscrit « dans le cadre de la coopération intégrale de l’éducation » et devra permettre à cette fondation de « reprendre ses activités scolaires internationales à travers l’école Safak en RDC ».

Ici, le verbe « reprendre » suscite des interrogations dans l’opinion. Car, on ne peut « reprendre » que ce qui nous appartenait, mieux, ce qui a été pris à autrui. Or, nul n’ignore que l’école Safak est un domaine privé de « AUBE », une Asbl turque du droit congolais à caractère éducationnel, culturel, scientifique et social. « AUBE » a pour principal objectif: la promotion de l’éducation.

Cela étant, en quelle qualité la fondation Maarif doit-elle reprendre cette école et de quel droit l’Etat congolais doit-il se permettre de remettre ce bien privé à une Ong?

Inquiétudes

Dans son édition N° 7372 du lundi 23 juillet 2018, le Journal Le Potentiel paraissant à Kinshasa a, à la page 7 relevé les mêmes faits rapportés par l’ACP et la RTNC. Sous le titre « Protocole Fondation Maarif – ministère de l’EPSP : scepticisme dans le système éducatif congolais ». Ce journal privé s’est voulu plutôt critique et se pose des questions sur la nature de ce partenariat avec Maarif, cette fabrication de Recep Tayyip Erdogan, créée au lendemain du putsch raté de juillet 2016 pour des raisons inavouées. « Gaston Musemena aurait-t-il sacrifié l’avenir du système éducatif congolais au profit des tiers ? », s’interroge Le Potentiel.

En outre, l’ACP précise que la reprise de l’école devrait être effective « dès la rentrée scolaire prochaine ». Il clair que cette démarche du ministre congolais de l’EPSP est la matérialisation de la nouvelle politique d’Ancara.

En rappel, le président turc a effectué, du 26 février au 02 mars 2018, une grande tournée diplomatique africaine notamment, en Algérie, Mauritanie, Sénégal et Mali. Son agenda était connu: entreprendre  entre autres, un  lobbying pour obtenir la fermeture de toutes les écoles affiliées au mouvement « Fetö » du prédicateur Fetullah Gülen, à qui Erdogan ne cesse d’attribuer le coup d’Etat manqué de juillet 2016. Par ce lobbying, le chef de l’Etat turc a obtenu gain de cause dans certains Etats africains, ayant cédé à ce plan dénoncé par plusieurs médias étrangers et consiste à le rendre plus puissant et sécuriser son pouvoir.

A qui profite la fermeture des écoles SAFAK?

Cette démarche est loin de profiter aux citoyens et n’a rien à avoir avec l’investissement. Du moins, il prifite à ceux qui décident de prêter des béquilles à Erdogan et pour matérialiser son plan.

Il sied de noter que les membres de la confrérie de Fethullah Gülen ont construit une centaine d’écoles de leur obédience en Afrique. Ils ont aussi multiplié les activités caritatives et dépêché sur place, plusieurs hommes d’affaires sous le pavillon de leur syndicat, le Tuskon. Mais depuis la tentative de putsch du 16 juillet 2016, dont Recep Tayyip Erdogan attribue la paternité à l’imam Gülen, le prédicateur est accusé d’être à la tête d’une organisation terroriste qui utilise ses disciples, formés dans des écoles d’excellence, pour infiltrer les rouages de l’État et en prendre ensuite le contrôle. C’est ainsi que la fondation Maarif est créée pour reprendre le contrôle des écoles Gülen, de les faire passer sous le contrôle de l’État turc et d’en assurer la gestion financière et éducative.

L’objectif inavoué est sans doute d’assécher les sources de financement du mouvement « Fetö ». Et pour arriver à cette fin, il faut se créer un créneau. L’Afrique est le terrain le plus propice dans la matérialisation de ce plan. Avec ses problèmes économiques, la fragilité des institutions ainsi que la corruption qui se porte bien, la politique d’Erdogan devra bien marcher.

Certains pays africains ont accepté d’accompagner Ankara dans sa vision. Il s’agit notamment de la Guinée, le Niger, la Somalie, le Soudan, le Sénégal, le Congo-Brazzaville et la RD Congo.

« Selon un bilan du ministère turc de l’Éducation, daté de septembre 2017, quatorze pays (Burkina, Burundi, Cameroun, Djibouti, Éthiopie, Gabon, Gambie, Madagascar, Mali, Mauritanie, São Tomé-et-Príncipe, Sénégal, Sierra Leone et Tchad) avaient signé des protocoles d’accord avec la Turquie en vue, selon les cas, de fermer ces écoles, de les récupérer ou d’en ouvrir de nouvelles sous l’égide de Maarif », a rapporté Jeune Afrique, dans son numéro du 28 février 2018.

Pour ce qui est de la Rd congo, le 05 mai 2018, le ministre congolais des Affaires étrangères et intégration régionale, Léonard She Okitundu a, dans une note verbale adressée à l’Ambassade de Turquie en RDC, présenté ses « compliments » à l’Ambassadeur turc, l’informant que «la RDC marque son accord pour la reprise de la gestion des écoles SAFAK par la fondation MAARIF, conformément à a demande du gouvernement turc ». Ce, faisant suite à la mission de l’envoyé spécial du président de Turquie à Kinshasa, en mars 2017 et à la visite de travail de She Okitundu en république de Turquie en novembre 2017″, indique cette note verbale.

Ainsi, avec le récent voyage de Gaston Musemena en Turquie et la signature de cet accord avec Maarif, tout porte à croir que le schéma Erdogan est en train de se concrétiser en RDC pour usurper un bien privé.

Mais, l’opinion voudrais savoir ce que l’Etat congolais reprocherait à SAFAK pour qu’il prenne une telle décision.

L’expérience des autres

Bien que certains Etats africains ont été séduits par le lobbying turc, d’autres par contre ont préféré être du côté fe la Justice et dire le Droit.

Au Tchad par exemple, les forces de sécurité ont fait comprendre aux gestionnaires de l’école concernée que leur expulsion, bien que non justifiée, était préférable pour leur sécurité. « Le risque d’un rapatriement de force en Turquie dans l’un des avions avec lesquels Erdogan était venu semblait réel, rapporte Abdelkérim Mahamat Kreich, avocat du complexe international Bahar de N’Djamena. Leur expulsion était préférable. », a rapporté Médiapart.fr, dans son édition du 05 février 2018.

« On sent très bien qu’une décision objective sera difficile à obtenir au Tchad. Le salut ne viendra pas d’un juge indépendant », estime Abdelkérim Mahamat Kreich. « Mais quelle que soit la situation quasi désespérée de nos clients, nous voulons poser des actes, garder des traces », poursuit-il en annonçant de nouveaux recours en justice.

Au Niger, poursuit la même source, les autorités sont passées outre à un jugement du tribunal de grande instance de Niamey ordonnant à l’État « la cessation immédiate de ces troubles ». Le complexe scolaire Bédir avait été fermé « sans aucune procédure légale d’expropriation». L’occupation de son siège et « l’utilisation de ses biens meubles et corporels en l’absence de toute décision contraire constitue une voie de fait et un trouble manifestement illicite », avait jugé le tribunal.

Médiapart.fr note également qu’à Madagascar, en février 2017, « le service central de surveillance du territoire de la police a contrôlé les enseignants étrangers (essentiellement turcs) du lycée Lumière International et les ont informés que leurs visas étaient faux. Il s’est avéré que les enseignants avaient, comme d’autres, été victimes d’un réseau de faussaires, mais malgré l’intervention du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et leur non-inculpation par le parquet d’Antananarivo, ils ont été expulsés. Quant à l’État du Sénégal, mal engagé dans une procédure judiciaire qu’il avait pourtant initiée, il s’est finalement retiré ».

Confiscations

Dans cet article sous le titre:  » En Afrique, la nouvelle ambition turque », Médiapart.fr fait remarquer que la troisième étape c’est le transfert des écoles à Maarif, avec expropriation.

« C’est purement et simplement du maquillage juridique pour opérer une confiscation politique dictée par Ankara. Juridiquement, c’est honteux », dénonce la direction d’Horizon éducation France citée par Médiapart. Cette société française proche des milieux gülénistes était entrée dans le capital de certaines des écoles menacées au plus fort de la tourmente, en espérant que les États ne s’en prendraient pas à des actionnaires étrangers. Pari perdu, sauf au Sénégal, où « les autorités se sont arrêtées en bout de chemin », résume Moussa Sarr, avocat de la société Yavuz Selim.

« Les écoles sont désormais vides mais toujours entre les mains des propriétaires, qui n’ont plus le droit d’exercer », a-t-il expliqué à Médiapart.

Selon ce média, Horizon éducation France attend désormais les suites d’une plainte déposée à la cour de justice de la Cédéao au Nigeria, l’un des pays ayant refusé de se plier aux fermetures d’écoles et expulsions de Turcs réclamées par Ankara. C’est également le cas du Liberia. Le pays a décidé d’« ouvrir une enquête pour déterminer la véracité des allégations portées contre l’école et ses propriétaires ». En attendant, « le système scolaire international Lumière de Turquie reste au Liberia une institution privée d’apprentissage et bénéficie de toutes les facilités fournies à toutes les institutions éducatives opérant dans le pays », a déclaré le ministère des affaires étrangères du Liberia en octobre 2017.

A tout prendre, le gouvernement congolais devrait, avant de procéder la confiscation non justifiée de l’école SAFAK au profit de Maarif, procéder à des investigations susceptibles de confirmer ou d’infirmer des accusations portées contre cette de l’Ong « AUBE » qui est du reste est respectueuse des engagements avec l’Etat congolais.

Par ailleurs, cette décision est dangereuse quant à la survie de ce patrimoine et pour le système éducatif congolais qui entend atteindre l’émergence. Que dire des citoyens congolais qui sont employés dans cet établissement! L’Etat congolais doit revenir à la raison car, l’avenir de la jeunesse est menacé.

En outre, les problèmes politiques turcs risquent de s’importer en RDC, un pays déjà fragilisé à cause de la multitude des groupes armés étrangers et locaux.

Stan

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