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14 mai 2002, il y a 18 ans que le RCD détruisait Kisangani et « Boyoma » crie encore justice

18 ans, jour pour jour, le peuple Boyomais « habitant de Kisangani » se souvient des tristes événements survécus le 14 Mai 2002. Dans la rue, ils s’opposent à l’occupation étrangère de son sol par l’armée du RCD (Rassemblement Congolais pour la démocratie), soutenu par le Rwanda. Des manifestations populaires violemment réprimées et causant un bain de sang sans précédent. Il y a eu des vols, des pillages, des meurtres et d’autres formes d’attaques systématiques contre les civils. Bref, une journée cauchemardesque dont les traumatismes survivent encore chez les survivants.

Un réveil tragique

La nuit du 13 au 14 mai 2002, une présence militaire inhabituelle est observée aux environs de 4 heures du matin, dans quelques points stratégiques de Kisangani. Il semble que certains militaires et policiers en faction aient été persuadés, ce jour-là, d’adhérer à l’opération envisagée. Le directeur de la prison centrale a été sommé de remettre la clé de la prison à un groupe de militaires qui a fait irruption dans sa parcelle, située dans l’enceinte même de ladite prison. S’en suivra la libération des prisonniers.

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Vers 5 heures du matin, une dizaine de militaires font irruption à la radio officielle, la RTNC, qu’ils réussissent à mettre en marche grâce au technicien du jour.

«Dans un discours distillant une dose remarquable de xénophobie, ces mutins appellent la population de toutes les six communes de Kisangani à se munir d’armes blanches, à se joindre à eux afin de bouter les Rwandais hors de Kisangani», écrit l’ONG Groupe Lotus, dans un rapport publié le 25 Juillet 2002, exploité par POLITICO.CD

Les principaux destinataires de cet appel sont les groupes de jeunes connus pour leur résistance. Ce sont ceux des quartiers de la commune Mangobo, un point chaud de la ville. Ces derniers sont regroupés au sein de l’association mutuelle dénommée «Bana Etats-Unis» (les enfants des États-Unis). Ceux du quartier Matete, dans la même commune, s’identifient au groupe «Écurie Kata Moto» et ceux des avenues transversales de la commune Kabondo.

Le choix porté sur ces jeunes n’est pas un hasard. Parmi ces jeunes, certains détiendraient des armes à feu mises à leur disposition par le RCD. D’autres seraient des déserteurs de l’armée ayant décliné l’offre de collaboration avec le RCD.

Dans leur message, les mutins (éléments du RCD) demandent aux deux autres radios locales, la RTA (Radio Télévision Amani) de l’Église Catholique et la Radio Okapi de la MONUC, de relayer leur message au gouvernement de Kinshasa afin que les renforts leur soient dépêchés. D’après le journal le SOFT du 13 Août 2002, Les mutins annoncent aussi que les deux aéroports ont été fermés au trafic sauf pour les vols de la MONUC, l’actuelle MONUSCO. En même temps, ils émettent le souhait de rencontrer les officiers de la MONUC pour échanger sur la situation. Voir l’application de toutes les résolutions de l’ONU sur la guerre en Rd-Congo parvenir dans un délai raisonnable à l’unification du pays, tel est le vœu le plus ardent formulé par la population.

Cependant, toutes ces démarches tardent. «Une foule immense provenant des communes excentriques converge vers le centre-ville, munie d’armes blanches (machettes, gourdins, marteau, bâton, barre de fer, etc)», explique un défenseur des droits de l’homme basé à Kisangani.

Sur leur chemin, poursuit-il, «des scènes d’une cruauté inimaginable se sont produits : des êtres humains considérés comme ennemis sont lapidés ou brûlés vifs.»

Aux environs de 8 heures, le Commandant Jean François Ibuka, responsable du service des renseignements du détachement provincial de la Police, passe sur les ondes de la RTNC et demande aux mutins de cesser le gaspillage des munitions et par la même occasion, il lance un appel aux autorités pour des dispositions utiles afin d’éviter la situation de dégénérer.

Dans le rang des officiers, aucun ne confirme l’existence d’une mutinerie. Tous appellent la population à vaquer à ses occupations. Par après, dans un autre message radiodiffusé, la hiérarchie militaire et celle de la Police appellent tous leurs éléments à se présenter à l’Etat-Major. Nombreux d’eux y furent arrêtés.

Se sentant en danger, certains d’entre eux prennent la fuite, poursuit le journal, quittant la ville par toutes voies possibles, notamment par le fleuve, sans être inquiétés, après s’être rendus coupables d’extorsions sur les biens de particuliers.

Selon Le Soft, Les dirigeants du RCD-Goma ont dépêché le même jour, mardi 14 mai, à Kisangani, une délégation d’officiers supérieurs accompagnés de leurs escortes. Ils ont voyagé à bord de l’avion de la compagnie aérienne B.A.T (Bukavu Air Transport) immatriculé 9L-LCQ. Parmi ceux qui voyagent et qui débarquent à Kisangani à 11 heures, il y a la présence du chef d’état-major général Adjoint de l’armée RCD-Goma, le commandant Gabriel Amisi alias «Tango Fort», le commandant de la 7ème Brigade de Kisangani, Laurent Nkunda Mihigo, le commandant G2 de l’armée du RCD, le commandant Bernard Biamungu, et Bien d’autres gradés et soldats de Goma font partie du voyage.

La délégation est aussitôt conduite au centre-ville. Certaines personnes, affirment à POLITICO.CD, avoir vu les soldats couler la bière à flot, aux environs de l’aéroport de Simi-Simi, l’un des deux aéroports de Kisangani.

«La question est de savoir s’il s’agit de se désaltérer ou de se refaire le moral,» s’interroge l’ONG Groupe Lotus dans son rapport.

Crimes de guerre à Kisangani

Dans un rapport d’août 2002, Human Rights Watch cite nommément les officiers du RCD, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda responsable ses massacres de Kisangani, et demande qu’ils soient jugés pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité. Le rapport souligne que les rebelles sont responsables de tueries à grande échelle, d’exécutions sommaires, de viols et de pillages perpétrés lors de l’écrasement de la mutinerie qui a éclaté le 14 mai 2002.

« Les officiers responsables de ces crimes de guerre devraient être rapidement arrêtés et poursuivis, » note le document exploité par POLITICO.CD

Le rapport de trente pages, intitulé « Crimes de guerre à Kisangani : la réaction des rebelles soutenus par le Rwanda à la mutinerie de mai 2002, » se focalise en RDC.

Human Rights Watch a établi que des militaires congolais et des membres de la police avaient tenté de se mutiner contre les éléments rwandais du RCD-Goma à Kisangani le 14 mai, brièvement occupé la station de radio (RTNC) locale et tué plusieurs personnes considérées comme rwandaises.

HRW a réuni les preuves de dizaines d’assassinats de civils dans la commune de Mangobo à Kisangani ainsi que de nombreux viols, passages à tabac et pillages à grande échelle, perpétrés dans le cadre de la répression du 14 Mai.
En outre, les éléments loyalistes du RCD-Goma ont exécuté de nombreux détenus, soldats et policiers, notamment sur le Pont de la rivière Tshopo et jeté leurs corps mutilés dans la rivière. D’autres preuves de tueries ont été commises dans d’autres sites comme celui de la caserne militaire du Camp Ketele et de l’aéroport de Bangboka.

Le bilan définitif reste à déterminer mais cette ONG a établi qu’au moins plus quatre-vingt (80) personnes avaient trouvé la mort au cours de la mutinerie et de la répression qui s’ensuivit.

Dans la foulée, des Arrestations, des intimidations et enlèvement ont été enregistrés. Selon l’accablant rapport de Lotus, il y a eu aussi des vols et éruptions nocturnes sans compter des interpellations.

Kisangani veut Justice et réparation

À Kisangani, chef-lieu de la Tshopo issue de la grande Province Orientale démembrée, ces nombreux crimes de guerre ne peuvent pas être amnistiés. Ils sont « imprescriptibles » précise Dismas KITENGE, vice-président honoraire de la fédération internationale des droits humains qui dénombre de centaines de morts au cours de ces répressions.

Se confiant ce Jeudi 14 Mai 2020 à POLITICO.CD, le président du Groupe Lotus, une ONGDH basée à Kisangani, poursuit que la population et les organes des défenses des droits de l’homme doivent continuer avec le plaidoyer pour que justice et réparation soient faites.

Dismas KITENGE appelle en outre le gouvernement central à la « reconnaissance de cette journée » pour commémorer les différents crimes de guerre perpétrés dans la ville martyre. Il propose une date entre le 05 au 10 Juin. À ces jours, précise-t-il, furent la succession des guerres dites de six jours.

Au niveau provincial, la date du 14 Mai ne devrait pas être inaperçue. Le Groupe Lotus propose tout de même que cette date soit reconnue comme une journée provinciale de Soutien aux victimes contre la rébellion.

Ce 14 Mai 2020, la ville de Kisangani a vaqué à ses préoccupations. 18 ans après, Les répressions de ce jour mémorable qui ont abouti au coulage du sang sont placées dans l’oubliette.

Serge Sindani / POLITICO.CD

1 comments
  1. Il est temps que ces gens la soient arretes, juger, et enfin etre pendu publiquement. Les Tambwe Mwamba, Azarias Ruberwa, Mende Omalanga et consorts. Moi qui vous ecrit je suis du Maniema mais mes 2 freres avaient trouves la mort dans cette barabaries du RCD. Mes freres Boyomais allez de l’avant un jour ces gents payeront.

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