La Belgique a-t-elle joué un sale coup à Katumbi?

Arrêté mercredi à l’aéroport de Zaventem à Bruxelles, alors que les officiels belges l’accusent d’avoir utilisé un passeport « falsifié »,  l’opposant Moïse Katumbi est peut-être au coeur d’un jeu politique.

Tout a commencé la nuit de mercredi à jeudi à Bruxelles. Ce soir-là, l’opposant Moïse Katumbi foule le sol bruxellois à bord de son jet privé, le temps de refaire le pleine pour repartir vers Moscou où se tient l’ouverture de la coupe du monde de football. A son arrivée à Zaventem, le principal aéroport du pays, à l’Abelag, le terminal réservé aux jets privés, l’ancien gouverneur du Katanga est intercepté au moment de contrôlé de son identité.  En somme, la vérification de son passeport de voyage pose problème. Il sera détenu pendant plusieurs minutes, interrogé, mais finalement râlaché.

Que s’est-il réellement passé? Katumbi, le premier à communiquer, annonce alors qu’il  aurait été détenu parce que son passeport a été invalidé, il s’agit de la version « sémi-biométrique » que les autorités congolaises ont décidé de retirer de circulation depuis janvier dernier. « Lors des vérifications d’usage d’entrée au Royaume de Belgique, les services aéroportuaires ont constaté que bien que disposant de visas en cours de validité, le passeport semi-biométrique du Président Moïse Katumbi avait été retiré du système« , explique-t-il dans ce communiqué parvenu à POLITICO.CD.

Cependant, du côté de la Belgique, on donne une autre version des faits. Selon un officiel, cité par Radio France Internationale (RFI), le passeport de Moïse Katumbi est un faux. « Une des pages de ce passeport n’est pas une page authentique du passeport, donc pour ces raisons le passeport est considéré comme un faux », explique Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers, un service du ministère belge de l’Intérieur, précisant que cette page est celle où figurent toutes les données d’identité de l’opposant congolais.

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Bruxelles demande à normaliser avec Kinshasa

Les deux versions s’opposent désormais, alors que celle de Moïse Katumbi évoluera plus tard. La coalition ENSEMBLE, que dirige l’opposant congolais, viendra finalement accuser le regime de Kinshasa d’avoir changé les données du passeport de son leader à distance; une situation impossible, d’autant plus que le passeport « électronique » de Moïse Katumbi n’est pas connecté.

Toutefois, si la version de Moïse Katumbi semble battre de l’aile, celle des autorités belges non plus n’est sans faille. En effet, accusant Moïse Katumbi d’avoir « utilisé un faux passeport », la Belgique annonce avoir libéré l’opposant congolais, tout en lui confisquant son passeport qualifié de faux, mais en lui autorisant à rester sur son sol pour une durée de deux semaines, « le temps de se procurer un passeport valide. » Une situation assez incroyable, qui pourrait en soi une politisation de l’affaire: le délit de falsification entraîne logiquement une arrestation, voire des poursuites judiciaires. En outre, nul n’est sûr que Moïse Katumbi pourra se procurer un passeport congolais valide dans les prochains 14 jours, ce qui pourrait logiquement entrainer son expulsion.

Beaucoup d’interrogations entourent donc ce dossier, d’autant plus que loin de là, sur le terrain diplomatique, les ennuis de Moïse Katumbi semblent trouver une autre explication. En effet, alors que l’ancienne puissance coloniale héberge et soutient l’opposant congolais depuis son exil en 2016, au détriment de ses relations avec le pouvoir de Joseph Kabila, des discussions ont été entamées pour stabiliser les relations entre Kinshasa et Bruxelles.

Ainsi, quelques semaines avant cet incident contre Katumbi, le vice-Premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères a envoyé un courrier officiel à son homologue Léonard She Okitundu, proposant de « normaliser » les relations entre les deux pays. Dans son courrier, explique un diplomate à POLITICO.CD, M. Reynders déclare sa disponibilité à « aplanir les différents » qui opposent Kinshasa et Bruxelles. « Nous avons demandé à la Belgique un signe de sa volonté d’apaisement, que les autorités belges fassent un geste qui prouve qu’elles veulent réellement arranger les choses« , révèle notamment notre source.

En outre, tout porte à croire que la Belgique était bel et bien au courant de l’acquittement de l’opposant Jean-Pierre Bemba. Selon plusieurs sources, dans le même courrier adressé à Kinshasa, Bruxelles affirme être « surprise » par cette décision, affirmant n’y avoir joué aucun rôle. Cependant, dès l’acquittement de Bemba, c’est à la Belgique que la Cour Pénale Internationale (CPI) a fait appelle pour accueillir l’opposant congolais. Et, aussi étrangement, la Belgique a répondu de manière presqu’automatique pour accueillir le président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) sur son sol, où il séjourne depuis la semaine dernière.

« Ces faits sont quand même étonnants, il y a une certaine correlation entre la libération de Bemba et les ennuis de Katumbi« , remarque un cadre de l’opposition. Même constat du côté de la Majorité au pouvoir. Dans un tweet publié depuis Bruxelles où il séjournait, l’ancien ministre congolais Tryphon Kin-Kiey Mulumba, proche du président Kabila, se réjouit que Kinshasa et Bruxelles renouent. « Les États n’ont pas d’amis éternels, ils n’ont d’éternels que les intérêts », clame-t-il, citant l’ancien président français, le Général De Gaulle.

Litsani Choukran

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