Comment Kabila a « légalement » écarté  Katumbi de la prochaine Présidentielle

Juin 2016, le journal LE SOFT INTERNATIONAL,  proche du pouvoir en République démocratique du Congo, fait des révélations osées : Moïse Katumbi aurait un passeport italien. Dans un article intitulé : « Moïse reviendra, reviendra pas? », également relayé sur son site internet, ce vieux média détenu par un des fidèles de Kabila, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, affirme alors que l’ex-gouverneur du Katanga, connu au Congo au nom de Moïse Katumbi Chapwe, dispose de plusieurs identités: Soriano Moses Katumbi (nom utilisé en Zambie), ou encore  « Katumbi Moïse D’Agnano (nom apparaissant dans ses contrats des sociétés Offshore dans les Îles Vierges et en Île Maurice), D’Agnano Moïse Katumbi (nom repris dans son passeport italien) et… Moïse D’Agnano Katumbi (nom repris dans des contrats des sociétés Offshore à Panama) »

Le SOFT International étant souvent une caisse de résonnance de la Majorité Présidentielle, personne alors au pays ne prend ces affirmations au sérieux. Le journal publie pourtant une lettre de la ville italienne de San Vito dei Normanni, certifiant que l’opposant congolais avait bel et bien eu la nationalité.

Quelques mois après, les choses deviennent de plus en plus inquiétantes à ce sujet lorsque le ministre congolais de la Justice et Garde des Sceaux Alexis Thambwe s’offre une conférence de presse à Genève pour relayer les mêmes accusations. Dans une interview publiée sur POLITICO.CD, le ministre congolais avait confirmé que le président du TP Mazembe détenait bel et bien une autre nationalité.

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Un livre blanc envoyé aux ambassades dès 2016

Cependant, l’histoire de cette nationalité italienne remonte de plusieurs mois avant même les révélations du Soft International, renseignent plusieurs sources. En effet, dès son départ de la majorité, Moïse Katumbi a vu le pouvoir organiser une « fouille » autour de ses « points faibles »,  témoignent des sources concordantes proches du pouvoir.

« Déjà fin 2015, nous avions réalisé un livre-blanc sur ce dossier de double nationalité avec toutes les preuves. Il y avait toute les preuves de sa nationalité italienne. Ce document a été envoyé à toutes les ambassades à Kinshasa pour leur signifier ce que cachait cet homme qui affirmait pourtant défendre la Constitution », explique une d’elles sous le sceau de l’anonymat. « Il a délibérément violé la loi, coupable de faux et usage de faux plusieurs fois », ajoute-t-elle.

Le président Kabila était-t-il au courant ? « Non », répond-t-elle, sans être convainquant. Une autre source explique que le Président l’a appris qu’après des fouilles organisées à l’issue du départ de Katumbi en 2015 du pouvoir.  S’il était au courant, Joseph Kabila aurait alors couvert un crime, explique-t-on.

Président du TP Mazembe, Katumbi a été élu aux élections législatives de 2006 comme député du Katanga avec plus de 100 000 voix, passant également à l’Assemblée provinciale avant d’être élu, en janvier 2007, gouverneur de la province du Katanga avec 94 voix sur 102. Poste qu’il quittera 29 septembre 2015. Toutes ces élections exigent que le candidat détienne la nationalité congolaise. Cependant, chaque candidat est seul  responsable des documents qu’il dépose auprès de la CENI, tout en certifiant qu’ils sont tous vrais.

Ainsi, alors que Katumbi venait de créer sa plateforme électorale à Johannesburg en Afrique du sud, le magazine Jeune Afrique publie étrangement un article confirmant les faits révélés plusieurs mois avant par le journal LE SOFT. Moins d’une semaine après, et alors que Moïse Katumbi a fait diffuser une réaction dénonçant un « cabale » contre sa personne, l’agence britannique Reuters, réputée sérieuse, confirme finalement cette nationalité italienne de Moïse Katumbi.

« Disqualification à la régulière »

Dans sa lettre, Moïse Katumbi qui affirme être « surpris d’abord que l’on s’attaque à ma nationalité d’origine que nul ne peut contester », ne dit pas s’il a oui ou non détenu la nationalité italienne. Par ailleurs, le leader de la plateforme ENSEMBLE ne dit toujours pas s’il détient actuellement la nationalité congolaise, en conformité avec les lois.

S’il n’a pas la nationalité congolaise, Moïse Katumbi ne pourrait être candidat à la prochaine présidentielle. En République démocratique du Congo, le droit ne reconnaît pas la double nationalité.  Selon la loi, la perte de la nationalité congolaise résulte de la déchéance ou de l’acquisition d’une nationalité étrangère. Avoir une autre nationalité entraîne la perte « automatique » de la nationalité congolaise. Et on ne redevient pas Congolais automatiquement après avoir abandonné cette dernière. Il faut suivre une procédure.

Ainsi, même si cette disposition, qui s’appuie sur la loi et la Constitution reste légale, nul doute qu’elle sert les intérêts du président Joseph Kabila dont Moïse Katumbi constitue un réel danger à cette présidentielle où il ne peut se représenter.  Après 17 ans de pouvoir et un bilan mitigé, avec un Katumbi donné favori dans plusieurs sondages (de ses proches), le candidat du pouvoir courait un réel risque de se faire distancer. Ainsi, l’écartement bien que légal de l’ex-gouverneur sert final au pouvoir.

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