Tryphon Kin-kiey, un Kabiliste en perdition

A quelques jours de la Présidentielle du 23 décembre, Tryphon Kin-Kiey Mulumba enchaîne une décadence entre l’opposition et le pouvoir.  

« Je suis face à un dilemme de savoir si je dois battre campagne ou soutenir mon frère de Masimanimba Martin Fayulu. » La phrase est celle de Tryphon Kin-kiey Mulumba, candidat à la prochaine Présidentielle, et visiblement ancien proche du président Joseph Kabila. Une situation étrange. Le 23 septembre dernier, cet élu national promettait pourtant de « poursuivre l’œuvre du président Joseph Kabila » qui, selon lui, « est une victime ».

« Le Président Kabila a réalisé une œuvre pas parfaite, mais mérite d’être poursuivi. Je m’inscris dans la continuité et l’intensification de l’œuvre politique. Il me parait important de garder le cap et surtout d’intensifier la reconstruction de notre pays », confiait-il à POLITICO.CD.

 Un pas à gauche et à droite

Que s’est-il alors passé ? Les faits remontent d’août dernier. Le 7, alors que le président Joseph Kabila est à la recherche du fameux dauphin pouvant représenter son camp à la prochaine Présidentielle, Tryphon Kin-kiey Mulumba, proche du président congolais, lui coupe l’herbe sous le pied en allant déposer sa propre candidature. L’élu de Masimanimba, dans l’ex-Bandundu, tente en réalité un coup de poker. D’abord, renseignent ses proches, il veut forcer le choix sur sa personne. « Plusieurs cadres au pouvoir étaient en colère après la désignation de Shadary. Le professeur Kin-kiey a voulu profiter de cette situation pour imposer sa candidature, estimant être plus qualifié que Shadary », explique un de ses proches.

Dans un premier temps, Joseph Kabila, qui a été mis au parfum de la candidature de Kin-kiey la veille de son dépôt, demande que rien ne soit fait contre l’ancien Ministre des PTNTIC.  De son côté, Kin-kiey, entame alors une tournée aux Etats-Unis et en France, y voyant plutôt un bon signe. A ses proches, il confie avoir « des soutiens à Washington autour de sa candidature. » Aucun en réalité. A Washington et au Taxas, l’élu congolais passera son temps dans une chambre d’hôtel à recevoir des proches et quelques hommes d’affaires éphémères.

A Kinshasa, durant la semaine qui a suivi les dépôts des candidatures, Kabila tente de désamorcer la colère de son poulain en lui fixant même un rendez-vous, avant finalement de s’envoler vers la Namibie sans rencontrer l’ancien ministre. Officiellement, les deux hommes sont donc toujours en bons termes.

Début octobre, le fondateur de Kabila Désir est doublement conforté avec sa candidature avec notamment la déclaration de divorce du PALU vis-à-vis de Kabila et surtout, la guerre qui s’est déclarée dans le Maniema entre Augustin Matata, ancien Premier ministre, et Emmanuel Ramazani Shadary. Kin-kiey s’était en effet rapproché de Matata. «  A ce moment, alors que la candidature de Shadary a recueilli des soutiens solides, Kin-kiey a révisé sa situation, pensant remplacer le PALU dans son alliance avec Kabila », explique toujours ce proche qui a recuis l’anonymat.

L’ex-Bandundu est en effet une province cruciale pour Kabila et sa famille politique. Avec la rébellion du PALU, Kin-kiey, qui y est originaire, comptait ainsi coaliser les forces politiques de cette province clé autour de sa candidature, au profit du président Kabila. « Je viens d’une province, le Kwilu, au Bandundu, qui est un swing state, sans lequel aucun président ne peut être élu. J’ai un fief. Et aucun candidat aujourd’hui n’a ce profil», se targuait Kin-kiey dans une interview à Jeune Afrique, en faisant allusion à Shadary.

Cependant, Kabila ne l’entendait pas du tout de cette oreille. Dans une manœuvre de dernière minute, menée par son puissant Directeur de cabinet Nehemie Mwilanya, le PALU revient au bercail, coupant définitivement l’herbe sous le pied de Kin-kiey dont la candidature se retrouve dépourvue du soutien du président congolais. Augustin Matata finira par clamé son soutien à Emmanuel Shadary, promettant même de battre campagne pour le candidat du FCC.

Kabiliste qui veut soutenir Fayulu

Dans la foulée, le dernier porte-parole de Mobutu change petit-à-petit son fusil d’épaule. A la CENI, il embrasse la position des oppositions contre la machine à voter. Lui qui voulait « continuer l’œuvre de Kabila », signe un communiqué commun avec d’autres candidats qui dénoncent à présent le processus électoral. Derrière les caméras, il fait un appel de pied à l’opposition, alors que durant une interview en septembre, il affirmait ne pas être opposant, et surtout ne pas partager leur vision.

Aujourd’hui, ce professeur congolais affirme hésiter entre maintenir sa candidature ou soutenir Martin Fayulu, farouche opposant à Kabila et originaire de la même province que le leader de Kabila-Désir. Le député congolais a été désigné candidat commun d’une coalition entre Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Freddy Matungulu et Adolphe Muzito. Ce soutien traduit en réalité un mal être profond de Kin-kiey Mulumba, qui, délaissé par Kabila, tente de se vendre auprès de l’opposition.  A un autre de ses proches, l’ancien ministre aurait alors confié toute sa colère. « Aujourd’hui, moi qui ai défendu Kabila avec toutes mes forces, je n’en ai rien tiré. Des gens comme Muzito qui ont tous eu se retrouve dans l’opposition ouverte. Qu’ai-je gagné moi ? » aurait-il confié.

Toutefois, en RDC, la fin justifie bien souvent les moyens. Alors que la campagne fait rage, Kin-kiey qui affirme avoir été approché par l’opposition, pourrait néanmoins changer de camp, même s’il admet toujours être toujours en contact avec Joseph Kabila. « Depuis, il [Kabila] m’a envoyé plusieurs fois des messages très positifs par l’intermédiaire d’Aubin Minaku. Mais je n’ai pas eu de contact téléphonique», disait-il à Jeune Afrique à peine en octobre dernier.

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