Serge Kadima : « je ne suis qu’un fusible »

Qui est Serge Kadima, le nouveau président de la Ligue des Jeunes du PPRD ? A Kinshasa, en début de soirée du samedi 30 novembre, le jeune cadre économiste nous ouvre les portes de ses bureaux où il se confie : le parti, la jeunesse, Félix Tshisekedi, mais aussi son passé et son attachement à Joseph Kabila, il parle sans ambages.

L’an 2002. Joseph Kabila est aux prises avec les belligérants des groupes rebelles qui s’affrontent à travers la République démocratique du Congo. A Sun City, des pourparlers sont convoqués pour mettre fin à ce qui sera qualifiée plus tard de « première guerre mondiale africaine ». Si la guerre se termine, le pays doit s’ouvrir vers la démocratie. Le jeune Président, qui est arrivé au pouvoir après l’assassinat de son père, n’a alors aucune structure politique sur laquelle s’appuyer.

A Kinshasa, dans la capitale, ses proches se mobilisent. Ils trament alors la création d’un vaste parti, qui doit regrouper plusieurs formations, y compris celles issues de la société civile. Le Parti pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) va voir le jour. A l’Université Protestante du Congo (UPC), un jeune homme voit sa vie basculée. Star montante du football universitaire, Serge Kadima est approché par un certain Nestor Diambuana, ancien vice-gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), pour mobiliser au nom du PPRD. Lui-même Kadima est enrôlé. Débuta alors sa longue carrière au sein du parti de Joseph Kabila.

« Les méthodes ne seront pas les mêmes « 

17 ans plus tard, nous sommes au siège du PPRD, en plein coeur de la Gombe. Alors qu’une foule occupe l’esplanade de l’enceinte, un homme s’affiche en Kimono bleu ! C’est le Secrétaire Permanent du parti, Emmanuel Ramazani Shadary. Cette combinaison de guerrier fera passer l’événement du jour en arrière-plan. L’ancien candidat à la Présidentielle prend toute la vedette, harangue ses troupes, montre les biceps et surtout, intronise Serge Kadima à son nouveau poste du Président de la Ligue des Jeunes. Le colosse qui se tient à près de deux mètres n’aura que des mots élogieux tant envers le vrai leader du parti, l’ancien président Joseph Kabila, qu’envers ses cadres ainés.

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Il hérité pourtant d’une « ligue » assez sulfureuse. Depuis un certain temps, le PPRD a montré des signaux d’endoctrinement de sa jeunesse, vue notamment du côté du Burundi, en train de prendre exemple sur les célèbres Imbonerakure de Pierre Nkurunziza. Papy Mpungu, l’ancien président de la Ligue des jeunes que remplace Serge Kadima, s’était illustré l’année dernière en envahissant notamment, aux côtés des jeunes en bérets rouges, une église catholique de la capitale, en représailles aux positions des prêtres vis-à-vis du pouvoir de Joseph Kabila.  Mais les choses semblent changées. Si Mpungu a toujours eu le verbe facile, Kadima a certes le physique, mais choisit beaucoup plus le cerveau. « Les contextes ne sont pas les mêmes. Moi je prends aujourd’hui la tête de la ligue des jeunes dans un contexte complètement différent. Et donc, les méthodes ne seront pas les mêmes », promet Serge Kadima d’entrée. « C’est d’abord un couronnement d’un jeune qui a commencé au bas de l’échelle au sein du PPRD. Mais j’ai aussi le sentiment d’avoir des lourdes responsabilités », explique-t-il d’ailleurs à POLITICO.CD.

Au siège de la Ligue des Jeunes où il arrive pour la première fois avec nos équipes le samedi 30 novembre en début de soirée, Kadima s’ouvre, explique d’abord le contexte « particulier » qui précède son arrivée à la tête de la Ligue des Jeunes de son parti. « Nous sommes le premier parti politique de la RDC. Avec son Président national [Joseph Kabila] qui est le grand artisan de la paix dans notre pays, mais surtout, il est celui qui a permis le tout premier transfert pacifique et démocratique du pouvoir dans notre pays, en coalisant dans une situation inédite avec d’ancien opposants. Et donc, j’arrive à la tête de la jeunesse du PPRD avec la lourde charge de mobiliser nos structures à soutenir cette coalition ; car si nous échouons [à soutenir la coalition], notre pays risque de se retrouver dans une situation inédite », explique-t-il.

« En 2023, nous allons investir des candidats à tous les niveaux »

Kadima semble pourtant aller dans un sens contraire aux tensions qui animent la coalition entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Depuis plusieurs semaines, des cadres de deux camps se rentrent dedans. Le jour de son intronisation même, son supérieur hiérarchique, Ramazani Shadary, n’a pas manqué de promettre des « uppercuts politiques » à ceux de Félix Tshisekedi. S’agit-il d’une contradiction ? « Non ! Je peux vous rassurer que la signature de l’accord, de la coalition, ne vient pas remettre en cause l’ambition où les objectifs du PPRD. Le PPRD est un parti autant que l’UDPS. Nous sommes liés par l’accord, à l’issue des élections du 30 décembre. Nos populations ont donné la victoire à la Présidentielle au Président Félix Tshisekedi, mais nous a largement voté aux législatives. De ce fait, il est clair que la volonté de notre peuple nous oblige à composer, à se mettre ensemble », répond Serge Kadima.  

« Mais en tant que parti politique, et c’est la réalité partout dans le monde, notre objectif est de prendre le pouvoir, sinon le garder. Nous, au PPRD, nous voulons de ce fait récupérer le pouvoir à tous les niveaux, notamment au niveau de la Présidence. Car pour nous, en 2023, nous allons investir des candidats à tous les niveaux. C’est notre ambition ! Et la jeunesse du PPRD, sous ma direction, nous allons nous battre pour redynamiser les choses, à tous les niveaux », ajoute-t-il.

Serge Kadima n’est pas un enfant de coeur. Au sujet des tensions entre les deux camps, il ne rate pas Kabund, s’indignant de son « comportement ». «Je ne dirai pas dire que l’honorable Kabund est un piètre esprit, mais je refuse également de mettre ses propos sur le compte d’une maladresse. Nous avons demandé à l’honorable Kabund, que s’il avait encore un peu d’honneur, de retirer ses propos, mais il ne l’a pas fait. C’est dommage. Mais la population congolaise a compris à quel type d’homme politique nous avons affaire », lance-t-il, appelant cependant à privilégier la cohésion entre les deux camps.

Economiste avant d’être politique, Serge Kadima Luabeya est cadre de Direction, Trésorière général Adjoint en Charge de la Trésorière Nationale à Office Congolais de Contrôle (OCC). Il est plusieurs fois diplômé en Sciences économiques, dont une Licence en Administration des Affaires, un master en Administration des Affaires Internationales et un Doctorat en cours en Administration des Affaires. A la tête des jeunes du  PPRD, il affirme n’être qu’un « fusible », placé pour « incarner » la vision de Joseph Kabila, tout en faisant avancer son parti : « Moi, je ne suis qu’un fusible, je ne suis qu’un modérateur de la jeunesse. Je jouerai pleinement mon rôle pour faire de la Ligue des jeunes du PPRD un véritable mouvement de pression pour permettre le développement de ce pays. Je ferai tout pour que cette ligue soit un mouvement avant-gardiste tant au sein de notre parti qu’au pour notre pays tout entier », dit-il.

Suivez l’intégralité de l’interview de Serge Kadima, avec Litsani Choukran.

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