RDC: Félix Tshisekedi, le disjoncteur de Kabila

A trois mois de la Présidentielle annoncée au Congo, le leader du principal parti de l’opposition, candidat à cette présidentielle à venir, part aussi mal que ce processus décrié.Partager :FacebookX

66E6A477-35DE-441A-BCED-ACD7826FD80A_w1200_r1_s

Les deux dernières années auront été bouleversantes pour Félix Tshisekedi. Longtemps dissimulé derrière l’immense casquette de son père, le fils d’Etienne Tshisekedi a été projeté au-devant de la scène d’une manière aussi brusque qu’insolente : en pleine crise politique, Tshisekedi, l’homme qui incarnait la lutte pour la démocratie dans ce pays durant une trentaine d’années, passe l’arme à gauche ; laissant derrière lui un parti miné par des guerres internes et des successeurs loin d’être à la hauteur.

Dans ce mitan, une figure se détache: le fils, Félix Tshilombo, que la « famille » préparait subitement depuis quelques mois en le nommant assez rapidement Secrétaire général adjoint. Il ne sera d’ailleurs pas du goût des anciens. Bruno Tshibala en premier, abandonne la lutte pour se reposer aux côtés de Kabila. L’autre visage farouche de l’UDPS, Valentin Mubake, préfère à son tour faire bande à part. C’est ainsi que le fils succéda au père à la tête d’un parti aux allures familiales.

 Très vite, Félix Tshilombo Tshisekedi réussit néanmoins à se faire accepter. Sa tête ronde et joufflue a sans doute suffi à le faire passer pour un Etienne Tshisekedi bis. A Sainte-Thérèse, dans l’est de Kinshasa en avril dernier, il draine les foules comme son paternel jadis. Il assoie alors sa réputation naissante, au point de rêver du graal suprême : terminer Président de la République dès la fin de cette année, pas moins que réussir là où son Sphinx de père a échoué.

Alors évidemment, lorsqu’il longe le Boulevard du 30 juin à Kinshasa, le 7 août dernier pour déposer sa candidature à la Commission électorale, l’homme est sûr de son fait, de son coup. Son torse gondole de plus en plus, le verbe devient suffisant. Ses cadres, Jean-Marc Kabund, un Katangais étrangement catapulté au cœur des affaires de ce parti du vivant de Tshisekedi, n’hésite pas à entailler d’autres leaders de l’opposition, au risque d’affaiblir les forces anti-Kabila. Mais le fait est qu’ils s’en moquent, ces « combattants » de l’UDPS. Car le 8 août, Joseph Kabila et sa famille politique ont désigné Emmanuel Ramazani Shadary comme leur candidat à cette Présidentielle. Tshilombo et son UDPS ricanent, « Kabila nous a fait un cadeau ». C’est vrai, Shadary est un produit électoralement invendable.

Gardé en vie

Mais voilà, Joseph Kabila n’est pas au pouvoir depuis 17 ans parce qu’il fait des cadeaux. Le leader de l’UDPS le découvre à ses dépens. Lui qui a copieusement fait semblant, voir jubilé face aux signaux inquiétantes d’invalidations et disqualifications d’autres leaders de l’opposition, doit à présent vivre sous bombonnes d’oxygène. Car du côté de la CENI, une attestation a fuité de son dossier de Candidat Président. Celle-ci semble affirmé que le fils de Tshisekedi est diplômé d’un Institut supérieur en Belgique en Marketing. Problème, dans un message électronique à POLITICO.CD, l’Institut ne reconnaît par le document. L’UPDS, son parti, ne daigne même pas sortir l’original, préférant arguer qu’elle « n’a jamais déposé de diplômes » dans le dossier de son candidat président, mais dénonçant au passage le fait que « des documents confidentiels déposés à la CENI soient rendus publics ».

Entre-temps, Félix Tshisekedi sait ce qui lui arrive : une épaisse épée de Damoclès suspendue sur son avenir politique. A quelques jours de la validation définitive des candidatures, il n’est toutefois pas loin d’un écartement. Mais Kabila le sait, Jean-Marc Kabund avait mis en garde : invalider Félix Tshisekedi risque de provoquer l’embrasement. Dès lors, et du moment qu’un candidat peut en réalité être invalidé à n’importe moment avant la publication des résultats (un fait), autant mieux laisser le fils Tshisekedi en vie, mais comme un disjoncteur : il pourrait alors enclencher à tout moment un retournement de situation ; entre devenir interlocuteur « clément » du pouvoir pour ces élections contestables à venir — se sachant invalidable — , ou déclencher une furie dévastatrice, mais serviable au pouvoir, à son invalidation.

Par ailleurs, il n’y a pas d’élections sans challenger crédible. Avec un Kamerhe qui sent encore « Kingakati » dans l’opinion publique, Félix Tshisekedi est le meilleur candidat pour perdre ces élections visiblement taillées sur mesure pour consacrer le couronnement d’Emmanuel Shadary.   Dans tous les cas, Tshilombo vivra désormais en quarantaine politique, lorgnant du côté de Kabange Numbi, le très spécial Procureur général de la République, qui peut à tout moment se pointer avec la sentence. La justice n’est pas de ce pays, et c’est connu !

Et comme nous sommes au Congo, Kabila n’est pas le seul à regarder le « Roi de Limete » comme un disjoncteur. Les invalidés (Bemba, Katumbi, Muzito) ou encore les validés, en commençant par Vital Kemrehe, ne seraient pas non plus traumatisés de le voir sauter: chacun y trouvera son compte.  Pendant ce temps, la situation divise les opposants, du moins ceux qui espèrent encore un candidat commun : car entre choisir un Félix Tshisekedi qui pourrait à tout moment être invalidé et un Vital Kamerhe qui pourrait finir dans la peau du dauphin, la vie n’est pas du tout rose.  Marin Fayulu, aussi constant que brillant, ferait bien unanimité dans un autre pays. Quant à Matungulu, le dernier des opposants, personne n’osera hésiter en sa faveur.

Litsani Choukran,
Le Fondé.