Kabila – Macron : fin de l’idylle ?

Fustigé l’année dernière suite à son positionnement jugé proche du président Joseph Kabila vis-à-vis de la crise politique en République démocratique du Congo, le nouveau président français semble finalement prendre Kinshasa à contre-pied.

Après Bruxelles, Paris est peut-être la prochaine capitale européenne à se fâcher contre Kinshasa. Emmanuel Macron, qui faisait pourtant ami-ami avec Joseph Kabila depuis son arrivée à l’Elysée l’année dernière, a fini par tancer son allier congolais. Le mercredi dernier, c’est aux côtés de l’ennemi juré de toute la République démocratique du Congo, le président rwandais Paul Kagame, également président de l’Union Africaine, que le jeune président français s’est affiché, se laissant aller dans une déclaration qui a eu un effet de bombe à Kinshasa.

« Nous avons aussi évoqué la situation en République démocratique du Congo. La position de l’Union Africain et des pays de la région est pour moi essentielle, j’y suis très attaché et, je peux dire ici, que nous partageons constamment avis et position, et que la France soutient l’initiative prise par le président de l’Union Africaine en lien étroit avec le président angolais« , a lancé Macron.

Cette sortie, malheureuse ou calculée a tout de suite fâché le pouvoir congolais. Dès le week-end, le chef de la diplomatie congolaise, Léonard She Okitundu, convoque tour à tour les ambassadeurs angolais, français et rwandais pour une séance explicative à Kinshasa. Une « demande de clarification et d’explication » est alors adressés à ces trois ambassadeurs.

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La situation étonne, car depuis son arrivée, Emmanuel Macron a pourtant été si proche de Kinshasa.  Elu le 7 mai 2017, Macron a surpris tout le monde en entamant des « contacts » avec le régime de Kinshasa.  Dès le 28, un coup de fil est même annoncé  entre les deux présidents, français et congolais. Le 20 juin, à Lubumbashi, Kabila a reçu une délégation française, composée de Franck Paris, le conseiller Afrique de l’Élysée, et de Rémi Maréchaux, le directeur Afrique du Quai d’Orsay. Selon Jeune Afrique, qui livre alors l’information, accompagnés d’Alain Rémy, l’ambassadeur de France en RD Congo, de Néhémie Mwilanya Wilondja, directeur de cabinet du président congolais, et de Léonard She Okitundu, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, ils ont fait l’aller-retour dans la journée depuis la capitale, à bord d’un avion spécialement affrété par le gouvernement. Selon une source diplomatique congolaise, l’entretien, « très cordial », a duré près de deux heures.

Total, le pétrole et le statu quo

Pendant ce temps, des sources concordantes révèlent qu’une fois de plus, la France tente de favoriser ces géants de matières premières, à l’occurrence TOTAL, qui lorgne sur des gisements en RDC. A Lubumbashi, les échanges entre proches de Kabila et des représentants du gouvernement français auraient principalement porté sur des pistes de prospection et l’intensification des intérêts économiques des entreprises françaises en RDC, notamment dans les secteurs miniers, des hydrocarbures et des télécommunications.

Le premier signe positif de ce deal d’intérêts était la reprise du signal de RFI durant une période où les médias et les réseaux sociaux subissent de plein fouet la censure et les atteintes graves aux libertés de presse du régime congolais.

Depuis, la France disparaît des radars des dénonciateurs du régime de Kinshasa. En septembre, une visite du président Joseph Kabila est même annoncée du côté de l’Elysée. Même si elle ne sera jamais confirmée, le silence radio de Paris, au moment même où les Etats-Unis, avec la nouvelle Administration Trump, semble déterminés à pousser Kabila vers la sortie, l’Administration Macron s’ouvre de plus en plus face à Kinshasa.

Au 31 décembre, alors que le monde entier est choqué par la répression sanglante des manifestations chrétiennes, qui ont fait plusieurs et morts et blessés, Paris publie un communiqué maussade, ne faisant même pas allusion aux morts, ni ne condamnant la violence. A Bruxelles, Paris et Madrid auraient ainsi bloqué une résolution condamnant cette répression à Kinshasa, alors que l’Union Européenne a toujours montré sa fermeté face au régime du président Joseph Kabila.

Divorce consommé

En mars 2018, le géant français Total obtient une nouvelle extension de sa licence d’exploration pétrolière sur le bloc onshore III, situé à l’est de la République démocratique du Congo dans la région de l’Ituri, gangrenée par des violences et déplacements des populations depuis le début de l’année.  Cette prorogation permet au groupe de mener ses activités d’exploration jusqu’au 26 janvier 2019, avec la promesse d’établir d’ici là un plan d’exportation de sa production pétrolière.

Mais voilà, sans crier gare, Macron se met Kinshasa à dos. Après Paul Kagame, João Lourenço est en visite officielle en France pour la première fois depuis son élection en septembre dernier. Le chef de l’Etat angolais est reçu à l’Elysée, par un Emmanuel Macron qui se dit «très attaché» au renforcement des relations avec l’Angola.

«Sur la RDC, nous partageons les mêmes préoccupations et les mêmes volontés. La France viendra en soutien des initiatives qui seront prises par les pays de la région, et l’Union africaine, qui est simplement celle de faire appliquer les accords qui seuls permettront une clarification de la situation politique, sans aucune complaisance, dans le calme et avec clarté », clarifie finalement le président français.  « Et je souhaite que les réunions prévues dans les prochaines semaines nous permettent d’aboutir à un résultat clair et le président Lourenço sait le plein soutien de la France et notre engagement en la matière », ajoute-t-il.

Car un peu plus tôt dans la journée, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, a enfoncé le clou en lançant une sévère mise en garde aux autorités congolaises, exigeant, au nom de la RDC, des explications à Emmanuel Macron.  « Nous avons aussi évoqué la situation en République démocratique du Congo. La position de l’Union Africain et des pays de la région est pour moi essentielle, j’y suis très attaché et, je peux dire ici, que nous partageons constamment avis et position, et que la France soutient l’initiative prise par le président de l’Union Africaine en lien étroit avec le président angolais« , a-t-il dit.

Le porte-parole du gouvernement révèle que Kinshasa a officiellement adressé une question à la France pour s’expliquer sur cette sortie du président Macron. « A aucun moment il nous a cité comme objet de ces discussions qui auront lieu entre lui, le président du Rwanda et l’Angola. Comment il peut se faire que l’on puisse parler de la République démocratique du Congo, sans la République démocratique du Congo ? », interroge M. Mende.

« Nous avons posé cette question en fonction de l’expérience que nous avons. Nous voulons préserver nos intérêts. Personne n’a le droit de parler de nous sans nous. Si tel n’est pas le cas, le peuple congolais s’assumera, comme par le passé« , ajoute-t-il.

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