Funérailles de Tshisekedi: les coulisses d’une houleuse signature

Longtemps bloquée à Bruxelles, la dépouille du leader historique de l’opposition congolaise, Etienne Tshisekedi, va devoir regagner le pays. Un accord a été signé cet après-midi à Kinshasa, au terme d’une journée tendue. Récit.
Henri Mova Sakanyi saluant Mgr Gérard Mulumba à Kinshasa, le 23 avril.

Personne à Kinshasa n’y croyait vraiment. Même après l’annonce exclusive de POLITICO.CD, peu alors pouvaient envisager une réelle signature de ce fameux accord autour des funérailles d’Etienne Tshisekedi, décédé depuis plus d’un an à Bruxelles. Au Kin Plaza Arjaan by Rotana, luxueux complexe hôtelier situé au cœur même du centre des affaires à Kinshasa, il n’y avait pas grand monde au lieu du rendez-vous  prévu à 11h.

Kimbuta — Kabund : les retrouvailles

Il fallait attendre 12h30 pour voir Jean-Marc Kabund, Secrétaire général sortant du parti de Tshisekedi, tiré à quatre épingles, faire surface sous les regards de quelques journalistes. Il sera rejoint par la grande équipe, dirigée par le jeune frère d’Etienne Tshisekedi, Monseigneur Gérard Mulumba. Aussi tôt installés au Bar, un des restaurants de cet hôtel nouvellement construit à Kinshasa, des proches du Conseiller spécial du président Joseph Kabila en matière de Sécurité, Jean Mbuyu, les encadrent.

Très vite, les choses s’accélèrent. Il est déjà 13h30. Un couac visiblement. « Quelques mots qui dépassent », confie une source. Jean-Marc Kabund et Augustin Kabuya (Porte-parole) n’aiment pas certains passages du texte qu’ils ont pourtant validé depuis plusieurs jours, renseigne-t-on. Ils seront changés. Mais il faudra bien plus pour passer une journée normale.

De l’autre côté, un homme électrise la salle. Il s’agit du Gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango qui fait irruption dans cette salle qui s’amincie. Sa cible privilégiée : Jean-Marc Kabund et Augustin Kabuya.

« Je suis ici chez moi, l’UDPS c’est aussi ma maison« , lance-t-il  aux deux Tshisekedistes enjoués.  « Combien de fois on t’a arrêté pour l’UDPS, nous on a vécu des choses terribles pour ce parti« , ajoute-il en direction de Kabund.

Pendant que le ministre Jean-Pierre Lisanga, Tshisekediste autrefois, joue l’invité surprise, aux côtés de l’ancien gouverneur du Sud-Kivu, Marcellin Cishambo ; dans le fond de la salle pourtant, les visages s’assombri. Le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Henri Mova Sakanyi et son siamois de circonstance, le Conseiller Mbuyu, chuchotent. Quelque chose de ne va plus.

Félix Tshiskedi, le trouble-fête

En somme, Joseph Olenghankoy, président du Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral (CNSA), vient de faire son entrée. Il a pris part aux négociations. Il doit même signer en bas du document initial dont une copie  parviendra à POLITICO.CD. Deux feuilles, elles prévoient une entente pour la mise en place d’une commission afin d’organiser le rapatriement de la dépouille et l’enterrement d’Etienne Tshisekedi.

« Au moment où je vous parle, tous les frais de la morgue ont déjà été payés », s’enthousiasme même Joseph Olenghankoy. L’UDPS et la famille acceptent donc que la signature ait lieu.

Toutefois, il ne faut pas compter sur Etienne Tshisekedi, encore moins son fils Félix Tshisekedi, fraîchement intronisé à la tête du parti, pour que les choses soient si simples. Alors que la quasi-totalité des officiels envahissaient la salle pour entamer la cérémonie officielle, Jean-Marc Kabund s’éclipse. Des dizaines de minutes durant.

André Kimbuta, encore lui, hausse même le ton. Il sort de la salle où il aperçoit le Secrétaire général de l’UDPS pendu au téléphone, lui lançant : « Que voulez-vous finalement ?» Car au bout du fil, c’est Félix Tshisekedi himself qui pose subitement une nouvelle condition : il ne veut plus voir la tête de Joseph Olenghankoy dans le document officiel. Il aurait alors confié que l’UDPS ne reconnaît toujours pas le CSNA.

Etonnante volte-face, d’autant plus que le président de l’UDPS avait déjà lu le document qui allait être signé. Mais deux hommes décantent la situation : d’abord Oleghankoy Joseph lui-même. «Je ne peux pas être un blocage, le plus important c’est que l’on honore la mémoire de Félix Tshisekedi », confie-t-il. En face de lui, Henri Mova Sakanyi, le tout nouveau vice-Premier ministre et Ministre de l’Intérieur, qui, avec ce retrait d’Olenghankoy, convie alors toute l’équipe dans la salle.

Des avancées, mais pas de date

Dans la longue guéguerre qui a toujours animé Pouvoir et UDPS, le parti de Limete l’emporte sur certains points : notamment une inhumation dans une concession familiale à N’sele, dans l’Est de Kinshasa.

Le gouvernement s’engage également à « affréter un avion spécial » pour rapatrier la dépouille. Le recueillement est ainsi prévu au Palais du peuple, alors que la commission d’organisation sera notamment composée de trois membres UDPS-Famille.

Cependant, aucune date ne sera arrêtée. « A la commission de s’en charger ». Hors caméras, les démarches ont déjà commencé. De toutes les façons, les négociations ont débuté depuis fin janvier dernier.

Dans une ambiance « bon enfant », les parties signent un accord aux allures d’une réconciliation, mais qui ouvre une série de tractations qui pourraient être aussi dures, à l’image de ce dossier des funérailles d’Etienne Tshisekedi.

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