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Fulgence Bamaros : portrait d’un modèle d’enrichissement louche

Dans un pays où la politique reste un moyen d’enrichissement par excellence, Fulgence Bamaros, Directeur général du FONER, incarne à lui seul, le modèle même du mandataire congolais.

Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Nous sommes le 18 juillet, en plein centre-ville. Devant le siège de Office de la Gestion de Fret Maritime (OGEFREM), ce bâtiment construit par l’Etat et inauguré avec pompe par le président Joseph Kabila en décembre 2015, une bannière loufoque est affichée. Sur fond blanc, la banderole dit remercier le président congolais « pour avoir libéré l’OGEFREM de la mégestion de Mr  Anatole Kikwa Mwata Mukambo

La veille, Joseph Kabila a en effet décidé de faire partir le Directeur général de cette entreprise publique, au centre d’une véritable tempête de tensions et scandales. Comme lui, plusieurs mandataires des entreprises publiques en RDC sont souvent pointés du doigt. Que cela soit à cause de la megestion ou purement et simplement des accusations, le plus souvent avérées, de détournement et de corruption.

Si les agents de l’OGEFREM sont « chanceux et reconnaissants » envers le président Kabila, beaucoup, comme ceux du Fonds National d’Entretien Routier « FONER »,  n’auront pas cette aubaine. A la tête de ce fonds public, créé en 2009 pour s’occuper des réhabilitations des infrastructures routières du pays, Fulgence Bamaros, un homme rond, aux allures innocentes d’un nouveau né, règne en maître, s’octroyant un gigantesque trésor de guerre personnel, évalué plusieurs dizaines de millions de dollars.

M. Bamaros dans les années 1990

Il n’a pourtant pas commencer avec la même corpulence de riche. Né le 3 janvier 1965, l’homme a grandi dans la ville de Kinshasa, à la commune de Lemba. Fils d’un caporal de l’armée, avec une mère sans emploi, il détient une License en sciences économiques de l’Université de Kinshasa. Dans un Congo où l’emploi n’est pas donné, le jeune homme, brillant, est rapidement embauché comme Auditeur chez Coopers , à Kinshasa. « C’est vraiment un battant, il a commencé avec rien du tout, et s’est faufilé dans le système pour s’élevé », raconte une source anonyme, proche de l’intéressé.

Un « pauvre » au pouvoir

A Kinshasa, 2001

Il bénéficie de l’arrivée de l’AFLD et se rapproche du pouvoir. Il passe par le Ministère des finances, avant d’atterrir à la présidence sous Laurent-Désiré Kabila comme inspecteur des finances publiques. C’est le début d’une remise à niveau pour Fulgence Bamaros et sa famille nombreuse. Son père a eu plus de seize enfants avec plusieurs mères.

L’arrivée de Joseph Kabila lui sera alors dure et juteux. « Il a traversé des moments difficiles. Ayant travaillé avec Mzee, il n’était plus dans le système. Il tentera de s’installer en Angleterre, où il a même contracté un mariage blanc pour avoir des papiers », explique un autre proche.

Au risque de s’éterniser sur la vie modeste de ce Congolais lambda, les choses s’accélèrent pour lui dans les années 2007. Il se retrouve proche du pouvoir. En 2009, il est le tout premier et unique Directeur général du Fonds National d’Entretien Routier (FONER), créé suivant les lois n° 08/006-A et 08/009 du 07 juillet 2008. Il arrive sans grand-chose à ce poste, payé à hauteur de 17.000 dollars américains par mois.

« C’est à l’issue de ce que je peux appeler un tour de passe-passe que tout s’est fait.  Je ne sais pas vous dire exactement comment c’est arrivé, mais voilà ça s’est fait et c’était un miracle pour lui », ajoute notre source.

Le FONER, institution née du souci des Pouvoirs publics congolais « de doter la République démocratique du Congo des ressources pouvant lui permettre de faire face à l’état de délabrement avancé des infrastructures routières rendant malaisée la circulation des personnes et des biens à travers le pays et ce, à des coûts excessifs», lui donne plein pouvoir. Des centaines de millions de dollars y sont alors investis.

Huit ans plus tard, la situation de routes congolaises reste toujours inquiétante. Il y a néanmoins eu des fonds alloués à cette institution, qui, d’après des rapports publiés sur son site internet, a bel et bien exécuté des travaux. Rien que sur la période allant de 2009 à 2013, plus de 8 millions de USD ont été alloués pour la réhabilitation de routes dans le Bandundu, 15 millions dans le Kongo-Central, 5 millions dans le Kasaï, ou encore plus de 3 millions dans le Nord-Kivu.  Dans ces provinces respectives, les traces de ces financements restent à prouver. Les routes annoncées réhabilitées, sont, pour plupart, dans un état qui demande des nouveaux travaux.

12 biens immobiliers en un an !

Des documents envoyés anonymement à la rédaction de POLITICO.CD révèlent des informations très étranges au sujet du Directeur général de cette institution publique. Fulgence Bamaros est, d’après une liste et des certificats d’enregistrements envoyés à notre rédaction, dont une dizaine a été authentifiée par des services compétents, à la tête d’un empire immobilier de plus de 30 propriétés.

Liste des biens de M. Bamaros

Outre une liste de 31 propriétés, 11 certificats d’enregistrements, tous authentifiés, attestent des concessions appartenant à M. Bamaros, dont la plupart au nom de ses enfants. Les propriétés sont situées tant dans les quartiers huppés, dans la Commune de Ngaliema ou Gombe; ou encore dans le périphérique du centre-ville de la République démocratique du Congo.  Mises ensemble, elles valent des dizaines de millions de dollars américains.

Dans la ville d’Afrique du Sud, une propriété été authentifiée par POLITICO.CD auprès du Deeds Office,  responsable de l’enregistrement, de la gestion et de la maintenance du registre immobilier de l’Afrique du Sud. Il s’agit d’un appartement-maison, situé sur l’avenue York, n°374, dans la banlieue de Ferndale.

D’après les registres sud-africains, la propriété, comme toutes les autres, a été achetée comptant depuis 2012. « Rien que l’année 2012, il a acheté 13 propriétés tant à Kinshasa qu’à Lumumbashi où même à Paris« , note notre source anonyme. Affirmation vérifiée par les certificats d’enregistrements des propriétés de Kinshasa et celle de Johannesbourg.

Les certificats d’enregristement de M. Bamaros

« En 2017, ajoute notre source, il s’est procuré plus de 17 biens immobiliers à Kinshasa dont des immeubles. » Une thèse que semble prouver de dizaines de copies de certificats envoyés anonymement à notre rédaction.

M. Bamaros, qui n’a pas réagi aux multiples appels de POLITICO.CD, détient également une société qui exerce dans l’immobilier en Grand Bretagne.  La rédaction continue d’enquêter sur des factures d’exécutions de travaux et d’autres propriétés.

Kinshasa 2008

A en croire une autre source, l’homme s’est rendu plusieurs fois coupable de manœuvres immobilières frauduleuses, notamment le changement de propriété d’un immeuble à Kinshasa, 24 heure après qu’il se soit effondré, faisant plusieurs victimes.

En effet, le 26 octobre 2016, un immeuble de cinq niveaux en construction s’est effondré au croisement des avenues Gambela-Dibaya, dans la commune de Kasa-Vubu à Kinshasa. Une dizaine de personnes y perdront la vie. Les habitants du quartier s’étonnent alors sur Radio Okapi,  que le bâtiment ait été élevé en moins d’une année et suspectent le constructeur de non-respect des normes du bâtiment.

« La nuit même, il a fait transférer le titre de propriété au nom de sa sœur », affirme notre source. Il ne sera jamais inquiété.

Malheureusement, M. Bamaros n’est pas un cas à part au pays. Comme l’ancien Directeur général de l’OGEFREM, la plus grande sanction pour ces personnalités est un simple remplacement de leurs postes. Ils s’effacent, loin des caméras, en attendant une prochaine nomination. Une situation que dénonce le député de l’opposition Juvénal Munubo. Dans une interview accordée à POLITICO.CD mercredi 19 juillet, il appelle le Parlement congolais à s’y pencher.

« (…) Ces révélations ne doivent pas laisser insensibles les députés nationaux. En effet, tout enrichissement illicite devrait être puni avec exemplarité en RDC, car les individus ne peuvent-ils pas impunément continuer à saigner l’Etat. Il est vrai que le chemin à parcourir est tortueux car la moralité publique est largement en berne. Il faut la réveiller au moyen d’un contrôle parlementaire non complaisant », dit le député congolais.

L’Assemblée nationale à l’affut

« L’Assemblée nationale congolaise s’est déjà penchée il est vrai de manière encore insuffisante sur les cas d’enrichissement illicite. L’exemple le plus connu est celui de la Direction du FPI, contre qui notre chambre avait recommandé au Gouvernement de prendre des sanctions. Il est vrai que les sanctions administratives ont été prise,  mais il reste encore des poursuites judiciaires à engager si l’on veut vraiment que la RDC soit réellement un État de droit car je ne m’imagine pas comment des individus, forts de leurs fonctions politiques, peuvent prendre des crédits d’investissements a de centaines de milliers de dollars mais ne s’engagent ni à réaliser les investissements ainsi annoncés ni à rembourser l’argent du reçu de l’Etat. Ceci est purement de l’escroquerie avec une certaine complicité officielle », explique-t-il.

Le député Munubo estime que pour faire face à ce genre de situations,  le Parlement doit faire son travail comme il faut, en l’occurrence, le contrôle parlementaire. «Il ne doit pas s’en dédouaner. Et les considérations politiques au sein du Parlement ne doivent pas placer la République au dernier plan. Nous devons être républicains et exemplaires. La Société civile aussi doit collaborer davantage étroitement avec les députés. Ces derniers doivent être ouverts à cette collaboration», clame-t-il.

Au sujet de Fulgence Bamaros, le député affirme qu’il faut naturellement une mission d’information parlementaire « car les allégations sont graves. Elles ne sont pas bénignes. »

« Il devrait prouver l’origine de sa fortune devant la représentation nationale. Et dans les prochains jours, il est important d’adopter une loi astreignant tous les mandataires publics au devoir de déclaration préalable de patrimoines avant l’entrée en fonctions. »

En attendant, ce fils d’un Congolais modèle est riche et intouchable. Exemple type de la réussite dans ce pays où la justice sociale s’éloigne. Le rêve, ici, est de vite accéder au pouvoir, s’enrichir et ne plus retomber dans les travers. L’appel du député Munubo risque de ne pas peut-être suffire. Car, en réalité, le Pouvoir contrôle le parlement. Beaucoup d’officiels congolais sont parfois appelés à s’expliquer, mais ressortent de l’hémicycle torse bombée et intouchable.

15 comments
    1. Ce qui n’arrivera pas car Kalev Mutond travaille directement pour Zoe et ses frangins Jo et Jaynet. Pauvre Bambi Luzolo qui ne fait que tourner ses pouces dans son bureau… Est-ce en attendant quelques pots de vins en consolation…?

  1. Ces criminels savent comment voler impunement sous la kleptocratie en place depuis 16 ans. Ils sont devenus maitres en « Art de Graissage des Pattes ».

    Ils commencent d’abord par « remercier » et danser a la gloire de leur chef de Mafia de Kingakati, « a qui il a plu de les nommer » (….sans merite) a ces fonctions.

    Ensuite, ils se tapent la protection de la machine PPRD-MP en y corrompant ses « dignitaires » – dont les Minaku et Mova, mais aussi les Kalev Mutond et Flory Numbi. Et voila, ils peuvent alors voler et s’enrichir !

  2. De quelle assemblée nationale parle-t-on? Celle composée d »anciens ministres, n’ayant pas réalisé grand chose pour la population, ainsi que leurs suppléants(épouses, fils et autres parents)? Pardon botika biso.

    @mr le journaliste écrivez le français correctement svp. Sinon politico.cd eko koma lokola ba oyo wana….

  3. Vous – vous permettez de juger vos propres frères et quand est-que aurez vous le temps de juger les rwandais telque le kabiste ,le Zoé et tout consort qui sont entrain de tué le peuple congolais comme les animaux ah Congo mawa !

  4. Deuxième article sur BAMAROS, j’ai l’impression que vous avez un problème avec le Monsieur, d’accord il a détourné mais il n’est le seul dans ce système et encore il faut prouver que tous biens lui appartient de manière frauduleuse.

  5. Ce type travaille pour le compte de son patron qui est le président Kabila et les autres autour de lui. L’objectif est de piller ce pays, un jour il aura à répondre devant la justice de ce meme pays qu’il est entré de piller

  6. qui s’assemble se ressembler comme dit l’adage qui va arrêter qui dans ces histoires depuis la tête c’est une association politico mafieuse qui est en train de tamiser le Congo dans pitié. Peuple congolais ne leurs pardonner jamais car ils savent très bien ce qu’ils font

  7. Je félicite l’honorable Juvenalors Munubo pour sa prise de position contre l’impunité dont bénéficient certains cadres.
    Idem pour ses propositions. Seulement, l’honorable Munubo oublie une chose :la complaisance des députés envers les cadres coupables de détournement – tous membres du PPRD et alliés – date des années où Vital Kamerhe, alors président de l’assemblée nationale, répétait en séances plénières : « Nous devons protéger notre majorité « .
    Depuis lors, la recommandation a été retenue. En dépit de la sincérité du député Munich, Minaku ou tout autre PPRD veillera à perpétuer l’impunité.

  8. Cet article vient discrediter notre site politico.cd pcq :
    1. Ecrit sur un meme individu pour la 2eme fois.
    2. Lui reproche simplement de disposer de 12 maisons avec copies des certificats pcq une liste peut etre confectionne par tout le monde sans etre vraie (pas de professionnalisme).
    3. Il devrait nous enumerer les travaux precis non executes pcq le site de Foner consulte par nous les cite par province et par montant.
    4. L article va jusqu a injurier ses parents de caporal et pauvre comme si tout le monde doit avoir des parents ministres ou riches.
    5. Posseder une ou des maisons n est pas un peche. Meme ceux qui ont un salaire de US 2.000 ont une ou deux maisons, avec discipline.
    6. Reconstituer les biens d un congolais avec seulement son salaire n est pas intelligent. Sinon, les fonctionnaires ou domestiques gagnant US 50 seraient deja morts. Chacun cherche des revenus paralleles pour vivre, survivre et multiplier ses avoirs. Meme les ministres au Congo ont du parallele.

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