Entretien – La politique est un sport violent…Genval, élection, alliances, Marie-Ange Mushobekwa-Likulia se confie

Journaliste politique, célèbre présentatrice d’émissions, intervieweuse redoutée et depuis femme politique et présidente d’un parti politique, Mouvement pour la cohésion nationale. Elle était parmi les rares femmes à participer à la conférence de Genval. Marie-Ange Mushobekwa-Likulia s’est entretenue avec POLITICO.CD

Comment se porte votre parti Politique ?

Le parti se porte très bien. Le MCN a été créé le 1er juin 2010 et a participé aux élections législatives de 2011. Nous avons présenté des candidats dans toutes les circonscriptions de Kinshasa, quelques-unes dans le Nord et Sud-Kivu ainsi que la Province Orientale. Aujourd’hui, le parti continue à grandir. Nous élargissons notre champ dans d’autres circonscriptions dont celles de l’Ex-Bandundu et du Kongo Central. Il faut noter que nous enregistrons plusieurs adhésions surtout des jeunes. Ils veulent apporter le changement dans notre pays. Nous avons fait le choix depuis près de deux ans de nous allier au combat mené par l’UDPS; celui de continuer à réclamer la vérité des urnes pour ce qui est des élections de 2011. Nous faisons partie des victimes de la fraude organisée par Ngoy Mulunda et entérinée par la Cour suprême de justice. Et c’est grâce à cette lutte que l’accord d’Addis-Abeba a été finalement signé. Cet accord demandait notamment que les questions liées au contentieux électoral de 2011 soient résolues à travers un dialogue.

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Allié de l’UDPS, votre parti a participé à la Conférence de Genval. Dites-nous, considérez-vous ce Rassemblement comme un succès ?

Nous sommes allés à Genval sur invitation du Président national de l’UDPS Etienne TSHISEKEDI, principal opposant au Président Joseph KABILA et dont le parti est le principal parti de l’opposition congolaise. On a dénombré environ Quatre-vingt-quinze pourcents de partis politiques de l’opposition représentés à ces assises. Nous avons pris plusieurs résolutions dont le strict respect de la constitution;  la tenue des élections libres, transparentes et crédibles; la libération des prisonniers politiques et la mise en place d’un panel composé des représentants de l’ONU, l’UE et de l’OIF, devant accompagner le facilitateur désigné par l’UA, Monsieur Edem KODJO etc. Je pense que le rassemblement a été un vrai succès. Nous pouvons être fiers de dire aujourd’hui que l’opposition congolaise parle d’une seule et même voix. Et puis après Genval, d’autres partis politiques de l’opposition qui étaient encore hésitants ont fini par adhérer au Rassemblement.

A votre avis, le dialogue à venir devrait porter sur quoi?

Le MCN, mon parti, propose que le dialogue à venir soit plutôt axé sur le processus électoral. A présent il est trop tard d’obtenir une quelconque réparation liée au contentieux électoral de 2011. Nous devons avancer! Nous au MCN, souhaiterions que toutes les parties prenantes au dialogue parviennent à élaborer un calendrier électoral réaliste, que les partenaires de la RDC allouent un budget conséquent à la CENI afin de lui permettre d’établir à son tour un fichier électoral fiable et crédible, tenant compte de nouveaux majeurs ainsi que de tous les congolais qui n’ont pas pu s’enrôler en 2011. De telle sorte qu’à l’issue des élections, tout le monde se plie devant le verdict des urnes.

La crise autour du processus électoral est certaine. Comment entrevoyez-vous l’avenir?

Je vous ai dit plus haut que la crise politique qui se profile ne pourrait se résoudre qu’à travers un dialogue franc. Et c’est ce que tous les participants au conclave avaient convenu, sous l’autorité du Président Etienne TSHISEKEDI. L’avenir de notre pays, la République démocratique du Congo, ne dépend que de la volonté de la classe politique dans son ensemble. La RDC ne sera que ce que nous voudrons en faire: un paradis ou un enfer. C’est à nous de choisir; et le MCN choisit le paradis bien sûr!

Vous insistez sur une résolution pacifique du conflit, mais la méfiance est palpable de deux côtés…

La méfiance de l’opposition est justifiée. Lorsque vous entendez certains leaders de la Majorité présidentielle nous parler d’un référendum. C’est dans quel but ? Il y a de quoi s’inquiéter. Lorsque je vois également certains leaders de l’opposition se radicaliser chaque jour davantage et tenir des propos incendiaires, je m’inquiète aussi. Toutes ces déclarations extrémistes ne peuvent pas instaurer les relations de confiance entre les partenaires politiques. Il faut un minimum de confiance et de bonne foi pour pouvoir se mettre autour d’une même table afin de trouver une solution à cette crise. Nous ne devons pas oublier que ce pays nous appartient tous; c’est notre patrimoine commun. Nos ancêtres nous l’ont légué uni et en paix. Nous avons le devoir de le rendre plus beau qu’avant et dans la paix.

Qu’allons-nous léguer aux générations futures si par orgueil démesuré, ambitions personnelles et soif insatiable du pouvoir mettons notre pays à feu et à sang?

Parlons de vos alliances. Vous êtes alliés de l’UDPS, Un parti pas si modèle que ça pour certains qui le considèrent comme « tribaliste” et ou s’organiserait au transfert « biologique » du pouvoir c.-à-d. du père au fils…

Je ne suis ni membre l’UDPS ni son porte-parole. Je vais donc donner un point de vue personnel. Je trouve ces accusations injustes et exagérés. D’abord, I’UDPS n’est pas le seul parti qui traverse une crise. Il y a également le MLC, le MSR, l’ARC, l’UNC et j’en passe…Au sein de la Majorité présidentielle, beaucoup de partis politiques ont claqué la porte et DIEU seul sait combien vont encore tourner le dos. Les conflits internes ne sont donc pas propres à l’UDPS. Mais quoi qu’il en soit, l’UDPS reste le principal parti de l’opposition. Pour ce qui est du tribalisme, à ma connaissance le Secrétaire général de l’UDPS, Bruno Mavungu n’est pas du Kasai, la Province d’origine du Président National de l’UDPS. Concernant la passation de pouvoir de père en fils, c’est injuste de vouloir empêcher à un citoyen d’avoir de l’ambition parce qu’il est fils d’un leader politique. Tenez aux États-Unis, on a eu BUSH père et fils; et bientôt (probablement) Clinton mari et femme. En Argentine, il y a eu également en Belgique MICHEL père et fils…et bien d’autres exemples. A mon avis, chaque citoyen du monde a le droit d’avoir et d’exprimer ses ambitions politiques – qu’il soit fils d’un leader politique ou pas- et se battre pour les réaliser. Ce qui est condamnable, c’est lorsqu’on veut transférer le pouvoir à un parent sans respecter les normes démocratiques et sans passer par les urnes.

Beaucoup de gens réclament l’avènement d’une nouvelle classe politique. Certains n’hésitent pas à vous  citer comme une des figures de cette nouvelle vague. Et vous-même ?

Je pense aussi qu’il faudrait renouveler la classe politique congolaise. Mais celle-ci ne va se renouveler que s’il y a beaucoup de jeunes qui s’engagent en politique avec la détermination de changer les choses. La liberté comme le pouvoir s’arrachent; on ne nous les offrira sur un plateau en or. OUI, je suis flattée de faire partie de cette nouvelle classe politique même si à 42 ans, je ne suis plus trop jeune.

Il n’y a pas non plus beaucoup de femmes chefs de partis politiques.  Est-ce que c’est facile ?

C’est vrai. Il y a très peu des femmes chefs des partis politiques en RDC. Sur près de 575 partis politiques, il n’y a qu’environ 50 femmes chefs de partis politiques et c’est dommage! J’espère que dans les années à venir on sera beaucoup plus nombreuses. Non ! Je n’ai pas peur des hommes politiques et je n’éprouve aucun complexe vis-à-vis d’eux. Pour moi, je suis un acteur politique de sexe féminin; avec les mêmes ambitions et les mêmes capacités que tous les présidents des partis politiques. Ceci dit que je ne réclame aucune faveur parce que je suis une femme (mon rôle de femme se limite à mon foyer). Je sais très bien que je n’atteindrai mes objectifs que par l’effort, la lutte, la persévérance, la détermination et par le mérite. Bien sûr que ce n’est pas facile dans ce sens où la politique est un monde très violent, sans pitié et où tous les coups sont permis. J’ai constaté que certains hommes politiques n’apprécient pas de me voir engagée dans la politique active.  Ils auraient certainement voulu que je reste journaliste, que je continue à les « booster » à travers mon émission « A Cœur Ouvert » ou que je sois simple membre de leurs partis, chantant à leur gloire… Chacun vient défendre ses idées devant le peuple souverain afin d’obtenir un mandat pour participer à la prise des décisions sur la Nation.

-Fin-

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