Vingt-quatre heures après l’officialisation de sa mise à l’écart par le ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, le désormais ex-gouverneur de la ville-province de Kinshasa, Gentiny Ngobila, a adressé, au Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, une lettre d’observation relative à la décision l’évinçant du gouvernorat de la capitale.
D’emblée, alors que son adjoint, Gérard « Gecoco » Mulumba, avait été désigné pour assurer l’intérim, Gentiny Ngobila a expliqué « ne pas avoir connaissance » de l’existence d’un acte juridique de suspension ou de révocation créant vacance de poste de gouverneur de Kinshasa. En même temps, il a dénoncé le fait que son évincement a été signé par le vice-ministre de l’Intérieur, Jean-Claude Molipe, alors que Peter Kazadi était à Kinshasa.
« J’ai connaissance que le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, sécurité et affaires coutumières est bien présent dans la ville de Kinshasa et je conçois mal que le vice-ministre de l’Intérieur sans justifier la qualité puisse signer le message décrié qui est de nature à perturber le bon fonctionnement de la Ville de Kinshasa en cette période post-électorale », peut-on lire dans ce document consulté POLITICO.CD.
Des « irrégularités » soulevées
Le successeur d’André Kimbuta a également expliqué que l’autorisation des poursuites à son encontre par l’Assemblée provinciale de
Kinshasa, est totalement « irrégulière ».
Selon lui, le VPM Peter Kazadi avait en amont suspendu – au regard de la situation qui a prévalu dans le temps – toute initiative de convocation de plénière ou autre activité de l’Assemblée provinciale dans l’enceinte de l’hémicycle provincial ou à tout autre endroit de la ville, ce qui à en croire ses propos, signifie que « même les activités du bureau sont interdites ».
« Au cas où l’Assemblée provinciale de Kinshasa devrait siéger normalement, il y a lieu de noter le non-respect du droit de la défense conformément à l’article 95 de son règlement intérieur car je n’avais reçu aucune invitation et non plus, n’avais été entendu par le bureau », a-t-il renchéri.
Mettant en avant sa présomption d’innocence conformément à la loi, Gentiny Ngobila a rappelé que l’acte de destitution du ministère de l’Intérieur est relatif aux irrégularités constatées par la Commission électorale lors des élections législatives et des conseillers municipaux, pour lesquelles il a introduit un recours juridictionnel devant le Conseil d’État.
« Par voie des conséquences je me réfère à votre compétence pour instruire le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, sécurité et affaires coutumières de rapporter le message télégramme de son vice-ministre qui, de nature, va mettre en mal la cohésion post-électorale voulue par tous », a-t-il conclu.
Fraude électorale, destitution, officialisation de l’intérim … chronologie de la fin de l’ère Ngobila
Gentiny Ngobila a été élu gouverneur de la ville-province de Kinshasa, le 10 avril 2019, et a régné en maître pendant près de cinq ans à la tête de la capitale congolaise, excepté ses confrontations et divergences ouvertes avec ses adjoints, d’abord, Néron Mbungu ; ensuite, Gérard Mulumba ; et le président de l’Assemblée provinciale, Godé Mpoy.
Cependant, le règne de Gentiny Ngobila a été violemment secoué lorsque le 05 janvier dernier, la CENI a publié la liste de 82 candidats députés invalidés pour fraude électorale aux législatives du 20 décembre 2023. Accusé de vandalisme de matériel électoral, de détention illégale des machines à voter, le président du parti Alliance des Congolais progressistes (ACP), figurait sur cette liste, à la surprise générale.
S’en suivra ainsi, une période de calvaire pour Gentiny Ngobila. Le 09 janvier, répondant à la demande de la Cour de cassation, c’est tout d’abord le bureau de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, dirigé par Godé Mpoy, qui avait officiellement levé les immunités du gouverneur de la ville de Kinshasa.
Deux jours plus tard, c’était au tour du ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, de désigner le successeur de Gentiny Ngobila à la tête de la ville de Kinshasa – mettant ainsi fin à son règne – via un télégramme qui annonçait également la suspension de deux autres gouverneurs de province, César Limbaya de la Mongala et Bobo Boloko de l’Equateur, figurant également dans la liste des invalidés de la CENI.