À 11 mois des prochaines élections générales, le fleuve politique congolais n’est désormais plus tranquille. Entre le départ de Moïse Katumbi de l’Union de Sacrée de la nation et la formation du trio Dénis Mukwege, Martin Fayulu et Augustin Matata Ponyo, la République démocratique du Congo est bel et bien partie pour vivre un nouveau cycle électoral.
Si d’un côté, les uns se mobilisent dans l’apologie du pouvoir actuel pour une réélection de Félix Tshisekedi lors de la présidentielle prévue en décembre de cette année, de l’autre côté, les voix continuent de s’élever pour appeler à barrer la route à une possible réélection de ce dernier. C’est le cas du mouvement citoyen de la Lutte pour le Changement (LUCHA) qui entrevoit de mettre en place un front commun pour empêcher Félix Tshisekedi de briguer un second mandat à la tête du pays.
Quel est le bilan de la LUCHA depuis sa création ? Pourquoi la mise en place d’un front contre Félix Tshisekedi ? Où en est-on avec la proposition de la Transition sans Tshisekedi ? L’activiste du mouvement citoyen la LUCHA, Bienvenu Matumo a répondu aux questions de la rédaction de POLITICO.CD.
POLITICO.CD : Comment présentez-vous la LUCHA, en votre qualité d’activiste actif de ce mouvement citoyen ?
Bienvenu MATUMO : La LUCHA est un mouvement constitué essentiellement des jeunes, militant pour la justice sociale, pour la dignité humaine, pour obtenir un Congo nouveau, pour avoir un pays bien gouverné et assis sur les principes de la démocratie, tout en renforçant les libertés publiques et l’État de droit. Nous nous inscrivons dans la lignée politique et philosophique de Patrice Lumumba, car nous estimons que si les citoyens sont éveillés, nous pouvons avoir un État solide. Nous sommes un mouvement non-violent, apolitique, non-partisan, même s’il nous arrive des fois de jouer des alliances avec les acteurs politiques pour des causes bien précises mais nous gardons notre indépendance et autonomie.
Quel est le bilan de la LUCHA en 11 années d’existence ?
La LUCHA a montré aux jeunes que c’est possible d’agir et à éveiller la conscience des jeunes, à titre d’exemple actuellement il y a plusieurs mouvements citoyens qui ont vu les jours. La LUCHA a réussi montré que la non-violence est une arme plus forte que la violence, mais également nous avons donné la parole aux jeunes, car ils étaient muselés dans les partis politiques, mais grâce à la LUCHA tous les jeunes peuvent s’exprimer au même titre que les autres. La LUCHA c’est aussi une multitude d’actions menées sur terrain, à l’exemple de Goma Vedeyo, Kin Propre, Maweja doit partir, Bye-bye Kabila, Balayer les médiocres, mais aussi les actes de solidarité qu’on a mené récemment en faveur des sinistres du naufrage à Kalehe, de l’éruption Nyiragongo.
Pourquoi la LUCHA va t-elle mettre en place un front commun contre Félix Tshisekedi en 2023 ?
Les militants de la LUCHA vivent au quotidien la situation catastrophique et dégradante que traverse le pays, sur le plan sécuritaire, économique, minier, etc. Tous ces éléments, nous confortent dans notre position de dire qu’on ne peut pas laisser le Président Félix Tshisekedi gagner un autre mandat, parce qu’il a montré les limites dans sa gouvernance. Nous, on fait la Fatshimetrie qui nous permet de nous renseigner au quotidien sur les réalisations de Félix Tshisekedi et nous avons considéré selon notre constat qu’il a échoué et qu’on ne peut plus lui donner un autre mandat. Le pays ne peut pas se reconstruire en reconduisant celui qui a montré une limite dans sa gouvernance.
Quels sont les objectifs poursuivis derrière ce front commun contre Félix Tshisekedi ?
On va pousser les opposants à s’organiser en formant une unité entre eux, et nous, on va travailler sur la population pour conscientiser la population afin de voter utile, en votant contre ceux là qui ont échoué dans leur gestion. Celui qui a échoué ne peut pas être récompensé, il doit être mis dehors. En échouant, il retarde le pays, et tous les pays voisins nous regardent. C’est ce constat qui nous pousse à dire, qu’il faut mettre en œuvre toutes les stratégies à l’échelle des opposants, à l’échelle de la population, pour que Félix Tshisekedi ne soit pas élu en 2023 ou qu’on soit en mesure de barrer une possible fraude qu’il peut tenter de mettre en place.
Concrètement, comment fonctionnera ce front commun contre Félix Tshisekedi ?
Chaque acteur jouera son rôle en fonction de ses missions et de ses forces. Nous au niveau de la LUCHA, on va sensibiliser la population avec la dynamique mouvements citoyens, on va aussi la conscientiser et faire l’éveil et le contrôle citoyens. Les politiques on va les pousser à se mettre en ensemble pour former une unité de l’opposition et puis nous tous nous irons dans la même direction car nous voulons pousser Félix Tshisekedi à la sortie.
Les alliances avec d’autres mouvements citoyens tels que Filimbi ou le Congo n’est pas à vendre, sont-elles possibles ?
Naturellement ! Nous sommes dans la même direction, c’est le front. On va garder les passerelles entre nous, en s’échangeant des informations comme on le faisait à l’époque de Joseph Kabila pour le pousser à la sortie en 2018.
A l’exception du front commun contre Félix Tshisekedi, la LUCHA prévoit-elle d’autres actions de grande envergure pour cette année ?
Nous allons continuer de travailler sur la question de Rwanda is killing, parce que pour nous, elle est essentiellement. C’est une question de vie ou de mort, de ce fait, nous allons demander l’arrêt des massacres de Beni et de l’Ituri, nous allons demander la justice pour les congolais tués depuis les années 1990, nous allons demander la résolution du conflit intercommunautaire de Kwamouth, à cela s’ajoutera la question de Yumbi, où plusieurs personnes ont été citées sans être interpellées par la justice. Nous allons surveiller les élections comme nous le faisons maintenant avec d’autres structures spécialisées, car l’année 2023 va être essentiellement consacrée aux questions du processus électoral.
Êtes-vous optimiste quant à la tenue des élections le 20 décembre de cette année ?
Je souhaite vivement la tenue des élections, parce que ça va nous permettre de voter contre le Président sortant et donc je considère que nous on va se mobiliser pour une tenue des élections dans le délai conformément au calendrier publié par la CENI. Nous, nous voulons que les élections se tiennent. On a noté des couacs au début de ces enrôlements et on a vu qu’il y a un problème dans la forme de recrutement des agents opérateurs de la CENI. Nous nous battrons campagne pour que les gens s’enrôlent massivement parce que cet enrôlement va aboutir à un vote sanction.
En octobre dernier, vous avez suggéré la mise en place d’une transition sans Tshisekedi (TST) en cas de non organisation des élections dans le délai constitutionnel. Est-ce qu’aujourd’hui cette proposition tient-elle toujours ?
La proposition est là et a été formulée très clairement, s’il n’y a pas des élections, on va aller à une transition sans Félix Tshisekedi parce qu’on ne peut pas encourager et applaudir celui qui a échoué à garantir le bon fonctionnement des institutions. Peu importe les contraintes qu’on peut évoquer, si la CENI ne réussit pas à organiser les élections dans le délai, il faut que quelqu’un soit sanctionné. Nous devons être une société qui sanctionne ceux-là qui ne réussissent pas à faire leur travail conformément à la Constitution et leurs agendas politiques.
Le 17 décembre dernier, la LUCHA a lancé une campagne pour la libération de King Mwamisyo Ndungo, arrêté et condamné pour avoir « critiqué l’état de siège ». A ce jour, avez-vous obtenu gain de cause de la part des autorités provinciales ?
On a lancé la campagne, on a parlé à tout le monde. King qui est âgé de 27 ans et étudiant en L1 Droit à l’Université de Goma a été arrêté pour avoir critiqué l’inefficacité de l’État de siège. Les rapports de l’État congolais et des ONGs démontrent que l’État de siège a échoué et donc on ne peut pas arrêter un jeune étudiant de cet âge pour avoir dit que l’état de siège ne fonctionne pas. Il n’a pas été libéré et a été condamné à 5 ans, j’ai parlé à tout le monde y compris le gouvernement militaire du Nord-Kivu, malheureusement il n’y a aucune réalisation. Mais à notre niveau on a fait appel et on attend que le procès s’ouvre au second degré pour que le jeune soit rétabli dans ses droits.