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Chaque année, l’argent détourné en RDC vaut le double du budget global des élections

Le budget pour les prochaines élections — fixées au 23 décembre 2018 — s’élève à 432 millions de dollars américains, annonce la Commission électorale nationale indépendante (CENI) cette semaine. Son président, Corneille Nangaa, a présenté le budget aux partenaires nationaux et internationaux à qui il a rappelé les contraintes du calendrier électoral publié le 5 novembre.

« Si le financement n’est pas rendu disponible au moment où il est requis, conformément au rythme des opérations techniques, particulièrement les plus urgentes, le processus en subira certainement un coup », dit-il.

En clair, si cette somme n’est pas fournie, le scrutin tant attendu en République démocratique du Congo ne pourrait pas avoir lieu. Une situation qui s’aggrave alors que l’économie du pays est par terre, la montée du prix des matières premières ne coïncide pas avec le budget de l’Etat qui a perdu près de 50% ces trois dernières années.

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4 milliards détournés entre 2011-2012

Une liasse de dollars sur un marché de Kinshasa. JUNIOR KANNAH / AFP

Et pourtant, la RDC aurait pu financer elle-même ces élections. Pour cela, il suffit de regarder de près l’argent public détourné, qui s’élève, à croire les rapports analysés par POLITICO.CD, à plus de 4 milliards de dollars rien qu’entre 2011-2012.

En effet, selon un des rapports consultés par POLITICO.CD (à lire ici), qui s’appuient sur la combinaison de trois facteurs mis en évidence par Pierre Englebert, universitaire spécialiste de la politique et du développement africains, confirment ces tendances.  Premièrement, dans une étude de A. Batamba Balembu, la corruption à Kinshasa est estimée à 55 % des recettes budgétaires potentielles, soit, par extrapolation, une perte de recettes fiscales s’élevant à 2 milliards de dollars en RDC.

Deuxièmement, les pertes dues à l’exploitation minière et pétrolière sont estimées en fonction de la production et du prix, soit environ 500 millions de dollars.

Troisièmement, Dr Pierre Englebert estime que la sous-évaluation des droits miniers génère une perte de 1,5 milliard de dollars par an, des chiffres extrapolés à partir des estimations de l’Africa Progress Panel et des estimations de pertes d’Eric Joyce (1,36 milliard de dollars de 2010 à 2012 et 5,5 milliards de dollars de 2008 à 2011).

Ensemble, les pertes totales pour l’État pourraient avoir atteint jusqu’à 4 milliards de dollars sur la période 2011-2012.

Par ailleurs, d’autres détournements viennent s’ajouter à ceux évoqués ci-haut. En février dernier, l’affaire FPI, le Fonds pour la promotion de l’industrie (FPI) créé en 1989, a révélé un vaste détournement de plusieurs millions de dollars.

En outre, même des dons de la Communauté internationale en faveur des élections, qui restent importantes, ont été détournés.  « De 2006 à 2013, l’aide publique versée au Congo s’est élevée en moyenne à 2,6 milliards de dollars par an. Au cours de cette même période, le régime du président Kabila a affaibli les services de l’État. Citons un exemple : alors que son cabinet a reçu en 2015 près de trois fois le montant du budget prévu (88 millions de dollars), la commission électorale, elle, n’a touché qu’un tiers de son budget (69 millions de dollars)« , explique-t-on.

 

L’excuse du financement ne tient pas

Initialement, la CENI prévoit autour de 1,8 milliards pour tout le processus électoral en cours. En comparaison aux différents rapports, cette somme constitue à peine la moitié de l’argent détourné en entre 2011 et 2012.

Cependant, voici quatre ans que les autorités congolaises organisent ce processus des élections. Chaque année, depuis sa création, la Commission électorale devrait recevoir du gouvernement les finances nécessaires à cet effet. Pour Sasha Lezhnev, directeur associé à la politique du projet américain Enough, les finances ne peuvent servir d’excuse au gouvernement de la RDC.

« Le gouvernement congolais n’a aucune excuse financière pour ne pas organiser d’élections crédibles et n’en a pas eu depuis plusieurs années. Les États-Unis et l’UE devraient adopter des sanctions et des poursuites pour les responsables qui étaient en charge lorsque les 750 millions de dollars ont disparu« , dit-il à POLITICO.CD.

M. Lezhnev fait référence aux révélations du Centre Carter, publiées le 3 novembre, et qui affirment que 750 millions de dollars se sont « volatilisés » à la Gécamines. La société congolaise d’exploitation du cuivre et du cobalt, explique-t-on, agirait en véritable « État parallèle » en RDC, négociant les permis avec les autres miniers et opérant sans aucune supervision des institutions d’État.

L’Union Européenne met de son côté en garde les autorités de Kinshasa autour du financement de ses élections. Dans un communiqué publié cette semaine, l’Europe a posé plusieurs conditions à son aide, notamment le respect strict du calendrier ou encore l’arrêt de violations des droits de l’homme.  De son côté, les Etats-Unis accueillent favorablement le budget publié par Corneille Nangaa, affirmant qu’il s’agit d’une « une étape importante pour les élections en 2018. »

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