Publicité

Les dessous du Lobbying de Kabila auprès de Trump

04 novembre 2016, les américains prennent le monde entier à contre-pied. Le Républicain Donald John Trump est élu Président des Etats-Unis contre sa  rivale Hillary Clinton, pourtant donnée favorite par les sondages. Cette victoire du milliardaire américain sonne ainsi comme une « libération » pour le régime du président Kabila, dont les relations avec l’Administration démocrate de Barack Obama s’étaient largement détériorées.

« À cette heure aux Etats-Unis les sondages montrent qu’ils ont souvent vu faux, qu’ils ont souvent été manipulés. Je l’ai prévenu sur RFI« , s’est empressé de déclarer Tryphon Kin-Kiey Mulumba, cadre de la Majorité Présidentielle au pouvoir, via compte Twitter, le jour même de cette victoire de Donald Trump.

Comme Kin-Kiey Mulumba, d’autres cadres du régime congolais voient alors  d’un bon œil l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, alors que Barack Obama ou encore l’ancienne Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton ont tout fait pour obliger le président Joseph Kabila à quitter le pouvoir à l’issue de son second et dernier mandat le 19 décembre.

Publicité

« C’est un soulagement dans le sens où l’attitude américaine, spécialement celle de Barack Obama et de son administration a été plus qu’insultante vis-à-vis de notre pays« , expliquait anonymement un cadre du parti au pouvoir sur POLITICO.CD.

L’Administration Obama qui a longtemps menacé le pouvoir de Kinshasa est passée à l’exécution en juin 2016, en sanctionnant d’abord le chef de la Police de Kinshasa, le général Célestin Kanyama.  Le général Gabriel Amisi Kumba, actuel commandant de la 1e zone de défense du pays, ainsi que le général John Numbi, ancien inspecteur de la police nationale, ont été également placés sur la liste noire par le département du Trésor américain en septembre dernier. Leurs avoirs aux Etats-Unis sont gelés et il est interdit aux américains de réaliser des transactions avec eux.

Avant même de plier bagages, l’administration Obama en a profité pour élargir sa liste des sanctions, en y incorporant le nom de l’ancien ministre de l’Intérieur Évariste Boshab et celui  du redouté chef de renseignements, Kalev Mutond.

Trump à tout prix

Obama parti, Kinshasa pouvait alors souffler. Il faut toutefois séduire le nouveau locataire de la Maison Blanche. Un lobbying diplomatique est vite activé depuis 2016. D’abord une tentative manquée avec  l’ancienne parlementaire Cynthia McKinney, ensuite plusieurs d’autres dont certains seront revendiqués par des officiels congolais eux-mêmes dès janvier 2017.

En février, Barnabé Kikaya, Conseiller spécial du président Kabila en matière diplomatique, confirme que Kinshasa avait procédé au recrutement du cabinet de lobbying GR, basé à Washington, en vue d’obtenir la réduction de l’effectif de personnalités visées par les sanctions américaines. Avec une mise de 875 000 dollars entre juin 2016 et janvier 2017 la mission consistait à adoucir la position américaine. « Il y avait 38 noms au départ sur la liste des sanctions. Mais après avoir exposé notre position au Sénat, au département d’Etat et au National Security Council, la liste a été réduite », jure le diplomate.

Cependant, influencer Washington n’est pas chose aisée, à l’image de ce camouflet rapporté par des médias américains. Selon The Hill, le président du Comité des affaires étrangères de la Chambre des Représentants des Etats-Unis, Ed Royce, a refusé de rencontrer la délégation congolaise en campagne aux Etats-Unis. « Kabila continue de faire excuse après l’excuse« , a fait savoir M. Royce dans une déclaration par courrier électronique envoyé au journal américain. « Les principes démocratiques doivent être respectés, Kabila doit se retirer et des élections crédibles doivent se produire à temps« , a-t-il ajouté.

M. et Mme Royce en compagnie de Donald Trump
M. et Mme Royce en compagnie de Donald Trump

Conscient de cette situation, et alors que les opposants, notamment Moïse Katumbi, dépensent des sommets énormes pour faire pencher la balancer, Kabila décide de recruter … en Israël.  Selon des contrats publiés par le ministère américain de la Justice (à consulter ici), la RDC a signé avec la société israélienne spécialisée dans la sécurité et les nouvelles technologies, MER Security and Communication Systems, un contrat de 5 575 000 dollars couvrant une période allant du 8 décembre 2016 au 31 décembre 2017.

La connexion Israélienne via Norvège

MER offre ainsi de préparer la venue à Washington de  « l’envoyé spécial de la RDC » aux Etats-Unis, Raymond Tshibanda, l’ex-ministre des Affaires étrangères. MER devra aussi organiser des réunions avec des responsables du gouvernement américain et des différentes commissions du Congrès. Le groupe israélien promet également  des services d’un ancien membre de l’équipe de campagne de Donald Trump, Adnan Jalil, qui vient de monter son cabinet de lobbying, Aselus Strategies. Comme consultant Adnan Jalil a  touché de MER 225 000 dollars et son cabinet Aselus, 45 000 dollars.

Pourquoi Jérusalem ? Le lien est fait bien plus loin. Le 17 mai, alors que la prison centrale de Kinshasa est attaquée, un détenu étrange quitte la prison militaire de Ndolo, près du centre-ville à Kinshasa. Il s’agit du Norvégien Joshua French, condamné à mort depuis 2009. Les autorités confirment sa libération le lendemain, évoquant des raisons humanitaires.

Du côté d’Oslo, la presse croit savoir autres choses au sujet de cette libération. Le livre  « Condemned to Death in Congo [Un condamné à mort au Congo] » du journaliste norvégien livre Fredrik Græsvik, revient largement sur cet épisode.

Selon Græsvik,  le président israélien Shimon Peres, décédé 28 septembre 2016,  a contacté « un commerce de diamants controversé » en 2014 pour lui demander de plaider le cas du prisonnier  Joshua French auprès du président Kabila. Le « commerçant » en question n’est autre que Dan Gertler, homme d’affaires, lui aussi israélien et proche du président congolais.

Selon notre confrère, le défunt président israélien a décidé d’aider Oslo en raison des liens étroits entre les deux pays, notamment parce que la Norvège a largement contribué à la capacité d’Israël de développer des armes nucléaires.

[Il [Shimon Peres] a expliqué que si Israël aidait la Norvège dans cette affaire, Israël obtiendrait des avantages politiques et militaires« , affirme Fredrik Græsvik dans son livre, cité par le média local TV2.

A cette époque, explique toujours notre confrère, le président Kabila était prêt à trouver une solution, mais a déclaré que l’affaire s’était trop « enflammée », promettant que les Congolais devraient faire ce qu’ils pouvaient pour garder le Norvégien en vie. Plusieurs présidents, dont le français François Hollande ont pris part à ces échanges, rapporte-t-on.

Soudain, en mai 2017, Kinshasa décide de libérer le prisonnier. Si l’intérêt israélien auprès de la Norvège est évoqué, rien n’aura filtré au sujet des raisons ayant poussé les autorités congolaises à cette décision. Il y a cependant des liens de contacts solides entre Kinshasa et Jérusalem, garantis par Gertler, qui de son côté, est plus que proche de Kabila.

Israël ayant des entrées solides tant auprès de l’Administration Trump que dans tous les Etats-Unis, le résultat a commencé à se faire sentir dans la position de l’Oncle Sam dans la crise congolaise, où le duel semble tourner en faveur de Kinshasa depuis le passage de l’Ambassadrice américaine, Nikki Haley, dans la capitale congolaise.

La crise reste entière

Les jeunes sont au coeur des manifestations politiques en RDC.

Envoyée par le président Donald Trump, qui ne s’était pas encore exprimé sur la situation en RDC, Mme Haley a accepté le report des élections prévue à la fin de l’année en cours, alors que des officiels américains rejettent la proposition des proches de Moïse Katumbi qui appellent à une transition sans Joseph Kabila.

Le pays n’est pas pourtant sorti de l’auberge, l’opposition a rejeté le calendrier des élections publié par la CENI et soutenu tant par le pouvoir que la Communauté internationale, y compris les Etats-Unis. L’activité du Lobbying, qui a coûté, à en croire des contrats du Département américain de la Justice, plus de 6 millions de dollars américains au pouvoir, et pas moins d’1,5 millions à l’opposant Moïse Katumbi, ne semble pas avoir apporté de victoire décisive à un camp comme  à l’autre.

Car si l’Amérique peut bien fermer les yeux sur la prolongation d’un an au pouvoir pour Joseph Kabila, elle continue d’appeler à son départ à l’issue des élections qui doivent se tenir avant la fin de l’année prochaine. Par ailleurs, l’opposition semble toute aussi avoir utilisé la mauvaise stratégie en cherchant à tout prix un soutien international, certes esclave d’accords commerciaux. Enfin, les populations congolaises, qui ne cessent d’exprimer leur volonté de changement, semblent ne pas être prêtes à écouter une super puissance faiseuse de rois.

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading