Comédie politique au Congo

L’histoire romaine a rendu célèbre Jules César et son fils adoptif Brutus, qui finit par le trahir, le fameux : « Tu quoque mi fili».  Au Congo, c’est une comédie politique. Celle d’un homme qui ne voulait pas devenir César, entouré par ceux qui voulaient succéder à Brutus. Je la dédie aux artistes héros de Goma.

L’homme qui ne voulait pas devenir César devint au Congo, un apprenti-monarque. Ses Brutus, il y en a toute une flopée, devinrent des apprentis sauveurs. Le semi-monarque, témoignera à la fois d’une férocité à jalouser tout homme de sa trempe, et d’une mollesse à agacer Machiavel, suzerain et patron de tous ceux qui veulent régner sans partage.  Ses Brutus, gagnèrent une malléabilité défiant tout corps liquide, tout en développant une cupidité écœurante.

Le monarque, du haut de son trône, commença pourtant Républicain. Démocrate même. Il organise et remporte «démocratiquement » les premières élections libres dans son royaume du Congo, face à des Brutus qui seront les premiers à prendre les armes pour protester contre cette démocratie nouvelle.  Voyez-vous de qui je parle ? Avançons. Bien avant cela, le Monarque fut déjà un héros. Tel Jules César qui repousse les germaniques, il a su  réunifier le pays, monnayant quelques postes aux apprentis Brutus, et au prix de quelques accroche-pieds et de quelques vies humaines perdues au cœur même du Royaume. Hugo Tanzambi, paix à ton humble âme.

Soudain, une flopée de contradictions. Le Semi-Monarque, calme, silencieux, arpente un chemin digne de Benito, le Duce italien. De « situation eza na Maboko » au mutisme absolu, il disparait des écrans. Il parle peu, il agit beaucoup. Entre-temps, les Brutus se multiplient, une flopée d’anciens traîtres, futurs traîtres, épris soudainement du souci profond de « défendre l’intérêt du peuple », tournant le dos à la « Dictature » jadis chérie…

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Nuage sur le Royaume. La bougonnerie commence. Une stabilité économique jouxte des expéditions punitives chez les Né Kongo. Ne Muanda « Zaclé » en sait quelque chose. Des chantiers, cinq au total, coudoient tous aussi un glissement à venir. Facilité par… la bande à Brutus.  L’Est du pays, le Nord, le Centre… aucun recoin du Royaume ne sera épargné de magiciens de la violence : ceux qui apparaissent, et ne disparaissent qu’à l’issue d’un usage « disproportionnée de la force » de la garde impériale.

Le Monarque, semi-démocrate, devient variable,  mais prétend le contraire. Un caméléonisme nouveau, même chez les adaptes du florentin. Machiavel n’y comprend plus rien. N’avait-il pas pourtant interdit les hésitations ? Tous ses adeptes de la sous-région des Grands Lacs, d’autres royaumes d’absolutisme, ont pourtant suivi les cours à la lettre : dictateur, tu l’es, tu l’affirmes, tu t’affirmes et jamais tu te caches.

Galimatias d’un apprenti Dictateur

Au Royaume du Congo, commença alors des galimatias, des baragouins : « il y aura des élections », après : « il y aura des élections au bon moment », « la Constitution ne sera jamais modifiée ». Pour autant, les paroles divorcent d’avec les gestes. Des révisions sont alors professées, prophétisées, ensuite, emballées et jetées dans les oubliettes, ou pas. Un pas en avant, deux pas en arrière. On avance en reculant. Au risque d’énerver Mobutu, le maître dictateur, disciple du Machiavélisme, qui aura sans doute dépassé le maître. On signe un accord, on en prétend un autre.

En face, des opposants, en d’autres termes, des gens qui auraient aimés être califes à la place du… Monarque, des Brutus, eux non plus ne se retrouvent. Ils se battent entre eux, d’autres, prétendent vouloir faire mieux, partageant certes le bilan du Semi-César. Ayant échoué à le « Brutusser » : « tu quo que dégage !».  « Je suis là depuis longtemps !» « Va-t’en, Kamerhéon », « Italien ! »… les Marc-Antoine et les Octaves congolais. Se battant, pour succéder à un César tout puissant, débout et vivant.  Comédie congolaise.

Tout juste à côté, la Plèbe, chloroformée à mort. Silencieuse, complice et distraite, au point d’énerver le peintre Mugabo. Elle regarde la scène, embrouillée par Werrason, un danseur du temple. Le Semi-Dictateur parait pourtant manquer de stratégie claire, la bande à Brutus aussi : jouant contre la montre, contre chronos, le père des dieux, fils du Chaos, contre qui, personne n’a jamais rien obtenu.  Le remontoir du temps n’est pas encore inventé, il aura permis à cet homme, qui reste mystérieusement maître du jeu, et un étrangement meilleur de sa classe, face à ces Brutus manqués….  de revenir dans la période de ses triomphes et repartir ainsi en solitaire, sans hésitation, en écrasant tout sur son passage, comme un certain Edouardo Dos Santos, Monarque confirmé…

Vois-tu, mon cher frère Benoît Mugabo, nous en sommes là, avec toi, débout. Fronts dressés et fiers. A peindre cette scène, l’une des plus désolantes de l’histoire de notre nation.  Prêts à faire de la prison. Nous n’avons pas peur. Nous ne sommes pas complices. Voyez-vous, chers Precy Numbi, Benito Mupenzi et Taylor Ndungo, mes frères, la révolution est une longue route, où parfois, ceux qui la mène paraissent désemparés, désabusés ; mais à l’ultime fin, elle finit toujours par survire, et personne ne sait alors quand elle pointe son nez.

Tenez bon, tenons bon. Comme le disait un autre fou, comme nous : « Qu’importe où nous surprendra la mort ; qu’elle soit la bienvenue pourvu que notre cri de guerre soit entendu, qu’une autre main se tende pour empoigner nos armes, et que d’autres hommes se lèvent pour entonner les chants funèbres dans le crépitement des mitrailleuses et des nouveaux cris de guerre et de victoire. »

LITSANI CHOUKRAN,
Le Fondé.

4 comments
  1. Cher neveu
    Tu me demande de t’expliquer cet article? Je ne saurais le faire. C’est de la poésie?, littérature? philosophie? je ne sais pas. Tu sais que moi aussi je suis autodidacte. Oui je sais que tu es parlementaire débout. Depuis quelques jours, je n’arrive pas à bien comprendre ce qu’il dit. C’est ésotérique pour moi. Seuls les initiés peuvent expliquer. Je crois qu’il veut dire que la vidéo qui t’a fait pleurer est un montage qui est un montage d’un frère au rais. Merci ‘chukran’ quand même à monsieur. Sans lui tu ne m’aurais pas écrit.

  2. Excellent article. Il est très interpellateur. Merci pour cette exhortation à ne pas sombrer dans le fatalisme et dans la résignation. Dressons nos fronts et engageons-nous avec courage et lucidité à imposer le respect de notre dignité humaine en tant qu’êtres nés égaux et créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

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