La deuxième mort de Rossy Mukendi

Lorsque vous dirigez, ici au Congo, sachez que les frères n’oublient pas leurs frères, les sœurs non plus. Ici, nous n’oublions pas le sang des nôtres. Le sang ne s’oublie pas. Rendez, si vous le pouvez, Rossy à la nation.

Appelons-le  Rossy Mukendi Tshimanga. Il avait 36 ans. Ce matin-là, celui du 25 février 2018, il quitte son domicile pour descendre dans la rue. Il y rejoint ainsi un mouvement lancé par des catholiques. Un mouvement pacifique, qui ne réclame que plus de démocratie, des élections libres et, bien évidemment, le départ dans le calme, du président Joseph Kabila, arrivé en fin mandant depuis le 20 décembre 2016.

Cependant, Rossy, comme tous ceux qui osent dire non dans ce pays fortement troublé, sera malmené. Il tombe au cœur d’une folie policière à balles réelles, qui l’emporte. Il est tué. Assassiné. Certes la mort est un fait de vie. Même dans les plus grandes démocraties, les « dommages » collatéraux existent. Tshimanga est alors inscrit dans cette lignée des vies perdues par inadvertance. Le gouvernement non plus ne saura être blâmé, parce qu’il reste solidaire au nouvel héros, en dénonçant, du bout des lèvres, cet odieux meurtre. Le mal étant donc fait, déjà consommé.

Il écrit que les héros doivent reposer dans la paix. Les morts, lorsqu’ils meurent aussi honorablement, méritent hommages et déférence. Pour une des rares fois, le Congo a décidé de rendre l’encenseur à sa jeune étoile délibérément fauchée en plein envol. Il cotise, de l’argent liquide, sur les réseaux sociaux. Plus de 20.000 USD, qu’il décide d’octroyer aux familles et proches, afin donc de rendre son appareil au regretté Tshimanga. Cependant, le sang des victimes innocentes trouble toujours les vrais coupables. Chez nous, la marée rouge pousse souvent les blâmables à la déraison.

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Ainsi, deux mois après le forfait, Rossy Mukendi Tshimanga se voit refuser les honneurs, la gloire, la popularité. Sa dépouille est jouée en yo-yo entre morgue, incroyables procédures judiciaires et interdiction hallucinante d’inhumation. La deuxième mort. Celle qui tente de tuer la mémoire du soldat, poussant à prendre en otage un corps décomposé et donc l’âme s’est déjà envolée, devenant un modèle d’inspiration pour ceux qui ne rêvent désormais qu’à briser les chaînes.

« La mémoire d’un héros ne meurt jamais », disait le président Joseph Kabila à la mort de l’autre modèle congolais, le général Mamadou Ndala. Celle de Rossy non plus. A l’image d’Etienne Tshisekedi, de Patrice Emery Lumumba, rois sans tombes, des icônes qui ont érigé des mausolées dans la mémoire collective, Tshimanga vivra longtemps après sa mort physique. Qu’il tombe, qu’ils tombent tous, qu’ils serviront de source de motivation pour tous ceux qui, au Congo, aspirent à un changement salutaire pour la nation.

Si un homme censé nous lit en ce moment, s’il a le pouvoir de changer quoi que ce soit, qu’il pense à faire se reposer ce frère qui n’a pas démérité. Un cadavre ne tue que ceux qui se reprochent de quelque chose. Lorsque vous dirigez, ici au Congo, sachez que les frères n’oublient pas leurs frères, les sœurs non plus. Ici, nous n’oublions pas le sang des nôtres. Le sang ne s’oublie pas. Rendez, si vous le pouvez, Rossy à la nation!

Litsani Choukran,
Le Fondé.

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