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Un Premier ministre sans signature en RDC 

Il est l’égal de Patrice Emery Lumumba. Selon la Constitution, qui établit un régime semi-présidentiel en République démocratique du Congo, le Premier ministre est, après le président de la République, chef de l’État, la deuxième personnalité au sein du pouvoir exécutif. Chef du gouvernement, il a, toujours selon la loi fondamentale, un rôle secondaire au sein de l’exécutif, lorsqu’il est issu de la même famille politique que le président de la République, étant donné que celui-ci est reconnu comme étant le chef constitutionnel de l’exécutif.

Cependant, lorsqu’il y a cohabitation (c’est-à-dire, lorsque le président de la République est d’une famille politique différente de celle qui détient la majorité à l’Assemblée nationale), le pouvoir du Premier ministre est considérablement agrandi, car le président de la République a, en termes pratiques, très peu de pouvoirs propres qu’il puisse exercer sans l’avis et l’aval du Premier ministre.

Mais voilà. Tout ceci est théorique, surtout lorsqu’il faut juxtaposer la situation à la réalité d’un homme aussi épais politiquement qu’une plume de dinde de Thanksgiving, j’ai nommé : Bruno Tshibala. Huit mois après son arrivée surprise à la tête du gouvernement de transition, lui, l’homme qui se targue d’avoir fondé l’UDPS ­— historique parti de l’opposition en RDC —  aux côtés d’un certain Etienne Tshisekedi, semble finalement agonir cette fonction pourtant conséquente.

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L’histoire commence il y a deux semaines, à l’aéroport international de N’djili à Kinshasa. Quatre membres du gouvernement du Premier ministre Bruno Tshibala ont alors la bonne mauvaise idée de partir en mission vers l’Europe. Arrivés au comptoir VIP de cet aéroport rénové, nos invités sont éconduits. La Damme de l’immigration, surement aussi nymphe que stricte, leur annonce qu’il leur est interdit de quitter le pays. Nos quatre commensaux, dont le ministre du Tourisme Franck Mwe di Malila, croient alors en un canular, un poisson d’avril à l’échelle aéroportuaire. Car en effet, ils ont des ordres de mission signés par le deuxième homme le plus puissant de la RDC : Bruno Tshibala. Soit, nous sommes un janvier, avril est loin.  Un coup de fil, il se rendent alors compte que ni le transfuge de l’UDPS, encore moins la Damme de l’immigration, pouvait plaider en leur faveur.

Dans la foulée, et c’est là que l’histoire prend saveur, Franck Mwe di Malila du Tourisme, qui voit surement ses frais de mission s’envoler, se déchaîne, interpellant Tshibala dans un questionnement resté célèbre et révélateur : « que vaut la Signature du Premier ministre ».  Ensuite, tenez-vous, c’est Bruno Tshibala himself qui se lance, à contre-courant, contre son ministre, lui administrant un blâme écrit et copié pour information au… Président Joseph Kabila.

En somme, dans les coulisse, Tshibala ne pouvait en réalité pas secourir ses hommes : l’interdiction de voyager venait, en réalité, « d’en haut ». L’idée étant de mettre fin « à la chasse aux frais de mission». Tant pis pour sa signature, qui finalement, n’aura valu même l’encre utilisée. L’homme est dès lors assis sur un siège sans pouvoir, telle marionnette vouée à faire rire et divertir.

Il devrait être l’égal de Patrice Emery Lumumba, le collègue de Tshombe Moïse, celui du grand Kengo wa Dondo, et même du vieux Gizenga Antoine. Il se devait, du fait de sa longue lutte aux côtés d’Etienne Tshisekedi lui-même, honorer cette fonction. Il se devait, au regard de la crise politique qui gangrène le pays, constituer un contre-pouvoir solide, capable de garantir la viabilité du processus électoral. Il se devait, au minimum, faire mieux bonne figure, plus que les Muzito, les Matata, ou encore, et surtout, un Samy Badibanga touriste le long du fleuve Congo à Kinshasa.

Cependant, le voilà, la queue entre les jambes, se faisant tout petit, comme un jeunot morve coulant et sans biceps dans une cour de maternelle. Bruno Tshibala, dont la date de péremption longtemps affichée, s’achemine vers sa propre fin, en toute conscience, n’a plus de bataille à livrer, ni de victoire à remporter. Déjà qu’il n’avait pas de parole, le voici aujourd’hui sans signature, prisonnier d’une quête chimérique contre la pauvreté. L’homme, qui n’aura été qu’un sous-fifre, a préféré dès lors œuvrer au bien-être d’une seule et unique catégorie de la population : sa progéniture. Là au moins, il a réussi quelque chose : transformant des locataires de Lemba, en une écurie d’acheteurs immobiliers en herbe. « Chance eloko pamba ».

Litsani Choukran,
Le Fondé.

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