Publicité

« M. X »: témoin dans l’affaire Mamadou Ndala, qui a berné la Monusco dans la lutte contre les ADF

Daniel Fahey, un écrivain américain basé en Californie, qui a travaillé pour le Conseil de sécurité des Nations-Unies en tant que coordonnateur du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, livre, dans un reportage publié sur World Policy Journal, un récit accablant sur un témoin du procès Mamadou Ndala, qui aurait berné la Monusco dans la lutte contre les ADF à Beni. Son récit traduit de l’Anglais par POLITICO.CD.

C’était, selon tous les témoignages, un spectacle. La plupart des procès pour meurtre ont lieu dans les limites confinées d’un palais de justice, mais celui-ci était à l’extérieur sur une plate-forme au centre d’une ville tentaculaire appelée Beni, dans l’est de la République démocratique du Congo. Des soldats lourdement armés entouraient la scène sur laquelle étaient assis plusieurs juges militaires et les accusés. Chaque jour, des centaines de personnes se sont rassemblées pour regarder les débats, diffusés par haut-parleurs. Périodiquement, la foule criait ou applaudissait, ajoutant à l’atmosphère théâtrale.

La victime dans cette affaire – le général  Mamadou Ndala – était un héros national. En novembre 2013, Ndala avait mené l’armée congolaise assiégée à sa plus grande victoire depuis des années, contre un groupe rebelle puissant et largement méprisé appelé M23, qui était soutenu par le gouvernement rwandais. À la suite de ce triomphe, Ndala, alors Colonel, était devenu très populaire,  des manifestations en son honneur ont eu lieu à Goma, capitale du Nord-Kivu. Un mois après la victoire, le commandement de l’armée a réaffecté Ndala à Beni pour lancer une opération militaire contre un énigmatique groupe rebelle islamiste appelé Allied Democratic Forces, ou ADF.

Dans la matinée du 2 janvier 2014, alors que Ndala voyageait au nord de Beni, des assaillants en embuscade ont tiré une roquette et ont tiré sur sa jeep, le tuant instantanément. Le gouvernement a d’abord blâmé « des bandits » et ensuite accusé les officiers corrompus de l’armée. Mais beaucoup de gens pensaient que le gouvernement de Kinshasa avait ordonné l’assassinat de Ndala, parce qu’il était devenu trop populaire.

Publicité

Lorsque le procès a commencé, le gouvernement a réitéré sa version de faits, affirmant que les rebelles de l’ADF avaient tué Ndala en collaboration avec un officier de l’armée rebelle nommé le colonel Birotcho Nzanzu. Le dossier de l’accusation était faible, mais le drame et la politique ont conduit ce procès, pas la poursuite de la justice.

Par une chaude journée de novembre 2014, un mois après le procès pour meurtre, l’accusation a convoqué un témoin anonyme surprise, qu’ils ont appelé «M. X » Il portait une djellaba blanche coulante, et avait une écharpe enroulée autour de sa tête et arborait des lunettes de soleil. Il s’assit et raconta son histoire à la cour.

M.X affirme alors qu’il avait été commandant en chef des ADF et avait une connaissance approfondie du complot visant à assassiner Ndala. Il a déclaré que l’ADF avait payé à l’armée congolaise un complice de plus de 25 000 dollars pour les détails de l’itinéraire de Ndala, ce qui a permis à l’ADF de planifier l’embuscade. Lorsqu’on lui a demandé d’identifier le complice, il a souligné Nzanzu. Nzanzu a protesté et a affirmé qu’il ne connaissait pas ce témoin anonyme, mais trois jours plus tard, le tribunal l’a condamné pour complicité dans le meurtre de Ndala et l’a condamné à mort. Il est actuellement détenu dans la capitale congolaise, Kinshasa.

Peu de gens le savaient à l’époque, mais le mystérieux M. X était sous la protection de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC, connue sous le nom de MONUSCO. Il s’était présenté à une base de la MONUSCO deux mois avant le début du procès et avait attiré l’attention de tout le monde en affirmant que des terroristes formés par les Talibans allaient d’Afghanistan en RDC pour rejoindre l’ADF dans les attaques contre les bases et le personnel de la MONUSCO. M. X a également évoqué l’assassinat de Ndala, racontant une histoire compliquée en contradiction avec des faits connus, mais les analystes de la MONUSCO étaient moins préoccupés par l’assassinat de Ndala que par les nouveaux terroristes. En échange de partager cette information, M. X voulait que les États-Unis le relocalisent loin du Congo.

Il se décrit comme un agent spécial fringant: négocier des contrats d’armement avec des Européens, diriger des raids de commandos en Ouganda et même conduire une moto chargée de mines terrestres de la Somalie au Congo. Il a déclaré que l’ADF travaillait avec une demi-douzaine de groupes terroristes, dont Al-Qaïda, Al-Shabab, le Hezbollah et Boko Haram. Lorsqu’on lui a demandé qui fabriquait les bombes brutes de l’ADF, il a d’abord dit des hommes marocains et maliens, mais plus tard a changé son histoire et a prétendu que c’était trois personnes blanches, y compris une femme allemande.

Les analystes de la MONUSCO le croyaient. Ils ont fait de M. X le prisme à travers lequel ils comprenaient les ADF et la violence dans la région de Beni, et par conséquent la réponse de la mission à une série de massacres brutaux au moment du meurtre était passive et inefficace. Leur foi égarée dans M. X les a également amenés à prendre la décision naïve et mal avisée de fournir M. X au gouvernement congolais pour le procès du meurtre de Ndala. L’histoire étrange de M. X met en lumière le rôle émergent du renseignement dans les opérations de maintien de la paix aux États-Unis, mais c’est aussi un avertissement sur les effets imprévisibles des échecs du renseignement.

Le récit de Daniel Fahey est à retrouver en intégralité ici (en anglais)

1 comments
  1. Dommage que les faits décrits aient été traités par ceux-là mêmes qui pourraient être interpellés. Objectivité du procès est douteuse. Paix à son âme.

Comments are closed.

Recevez l'actualité directement dans votre email

En appuyant sur le bouton S'abonner, vous confirmez que vous avez lu et accepté notre Politique de confidentialité et notre Conditions d'utilisation
Publicité

En savoir plus sur Politico.cd

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading