Il y a au Congo – le grand Congo, pas le petit voisin qui jubile, pour une fois, après une petite victoire au CHAN – des hommes, des artistes qui symbolisent à eux-seuls l’image d’une nation en perpétuel étourdissement. Koffi Olomide en fait partie. Né Antoine Christophe Agbepa Mumba, un certain 13 juillet 1956 à Kisangani, l’artiste est à l’image de son pays. Adulé par les uns, redouté par les autres, il est à la fois talentueux et sulfureux.
Au pays de Barbara Nzimbi, comme ailleurs, la culture populaire est faite des références artistiques. Le langage quotidien lui-même est fruit d’influences d’expressions sorties du néant, parfois et souvent de l’art. Koffi Olomide, un des princes de la Rumba, a initié l’expression : « ko Rond-point », faire le Rond-point, tourner en rond.
Pour l’histoire, nous sommes en 1998, l’artiste sort son « Droit de veto« . A Kinshasa, l’Alliance des Forces démocratiques de Libération (AFDL) cherche alors à se défaire de ses alliés rwandais. L’artiste, lui-même, doit se relever d’une énième vague des départs de son orchestre, le Quartier Latin. Soudain, Koffi Olomide se lance dans le titre: Rond-point. Pour lui, les autres, ses anciens cadres qui sont allés jusqu’à le rouer des coups, pirouettent, tourniquent… face à lui, un Palmier, que l’on coupe et qui pousse…
Certes. On parle politique. Et l’homme nous y rejoint. Koffi Olomide dresse, sans le savoir, le bilan d’innombrables années d’indépendance et de crise politique dans son pays. Avec Laurent-Désiré Kabila qui fait son Rond-point vers la guerre, le constat de l’artiste semble coller tout un pays à la peau… 19 ans après.
Pour faire plus récent, il y a un an, deux camps s’affrontent pour officiellement sauver la nation en danger. Face à Kabila qui, après avoir dégusté le pouvoir, ne veut plus retourner à la vie civile, l’opposition commence par refuser un « dialogue piège ». Elle finit, en juin 2016, par se lancer dans une coalition pour « obtenir le départ de Kabila avant décembre 2016 ». En septembre, elle se morcelle. Une partie prend part au Dialogue de la Cité de l’Union Africaine, l’autre s’énerve et proclame une transition à venir « sans Kabila ».
31 décembre, Kabila toujours au pouvoir, y est abandonné : toutes les parties signent un pré-accord qui le maintien Président, à l’issue d’un dialogue boîte de Pandore que tous étions d’accord de ne plus rouvrir. S’ensuit un Rond-point sans cesse. Seul Étienne Tshisekedi sort du cercle, en y laissant certes son fils. La population congolaise, fidèle à la chorégraphie de Koffi, tente de s’énerver, tente une sortie, mais les forces de l’ordre, fines danseuses, prêtes à défendre un régime qui ne les paie guère assez, l’empêche de briser la boucle. Le paradoxe de l’oppression.
2017, le Congo entend de nouveau « coalition », « manifeste » et « promesses ». Des noms changent, ou presque pas. Des partis politiques sont remplacés par des mouvements citoyens. La promesse est la même: décembre sans Kabila, une transition sans Kabila. Les politiques, de leur côté, parlent toujours de l’accord, certains veulent retourner au Dialogue.
Le palmier que l’on coupe et qui ne fait que pousser, le tourniquet congolais se poursuit, sous les yeux pantois d’une économie à l’agonie. Comme le pays, elle aussi fait son rond-point: autour du dollar, tantôt en chute spectaculaire, tantôt essayant de regagner sa valeur… mais finira par fléchir, et change de nom.
Kabila aime un peu trop le pouvoir. L’opposition aime un peu trop vendre du vent, la population a un peu trop souffert et personne n’aime un peu trop dire la vérité. Après « Droit de veto », Koffi Olomide a sorti 18 albums, dont « Attentant » qui succède à son veto. Et si on fait réellement comme l’artiste? Zut, Ne Muanda y est déjà et c’est pire. Je n’ai pas la solution.
Litsani Choukran,
Le Fondé.
