Jean-Claude Kazembe: symbole du Katanga défiant le Pouvoir

La chute du gouverneur Jean-Claude Kazembe prouve à elle seule les relations tendues entre le président Joseph Kabila et sa province d’origine.

Le vote a lieu dans la matinée, tous les députés ont voté pour sa destitution. Jean-Claude Kazembe vient de tomber. Il aura néanmoins résisté jusqu’au bout, ultime preuve du désespoir d’un homme qui voulait faire mieux, alors que le destin et la réalité en décidaient autrement.

Porté à la tête de cette province issue du démembrement en mars 2016, Jean-Claude Kazembe hérite de la lourde tâche de faire oublier le populaire Moïse Katumbi, qui rejoint l’opposition et entre en guerre ouverte avec le Pouvoir congolais. Un an après, l’homme semble plutôt boire la tasse: alors que le Haut-Katanga montre de plus en plus son opposition au président Kabila, qui est pourtant un fils du coin.

En décembre dernier, alors que Kinshasa a eu une journée pour taire ses envies de voir Kabila quitté ses fonctions, à la fin de son mandat; Lubumbashi, deuxième ville du pays a laissé place à un début d’insurrection dans les zones défavorisées, notamment les communes du sud. Aux huit morts et 47 blessés selon les autorités, l’opposition parlera de plus de 50 tués. Des postes de police et des maisons communales du grand marché ont été pillés ou incendiés.

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Comme le signale le journal Le Monde, dans un article publié en décembre dernier, la ville a depuis fait l’objet de toute l’attention des services de sécurité. Les leaders de l’opposition, dont Gabriel Kyungu, charismatique chef historique de la mouvance indépendantiste katangaise, aurait l’objet d’attaques. Des militants de l’opposition et des activistes de la société civile seraient traqués,  ou emprisonnés pour certains.

Symbole de cette décadence du pouvoir, le Gouverneur Kazembe est même filmé le 21 décembre dernier, prenant fuite sous des jets de pierres de la population, alors qu’il avait décidé de se rendre à pied avec des partisans à l’occasion d’une « marche de la paix » destinée à montrer que les autorités avaient le contrôle de la situation dans cette province.

Devant cette chute libre, le Pouvoir dépêche le 03 mars 2017 le Chef de la Majorité Présidentielle, Aubin Minaku, pour en évaluer la situation. « Le Secrétaire Général de la Majorité Présidentielle, était à la tète d’une délégation des hauts cadres de la MP pour exiger la démission du Gouverneur de province Jean-Claude Kazembe« , confie une source proche du Pouvoir à ce sujet.

Néanmoins, cette mission se serait heurté à un refus catégorique de la part du concerné. Le ton monte. En dernier ressort, le président décide de convoquer M. Kazembe dans la capitale, où il y passera deux semaines. Et c’est justement là que les choses deviennent intéressantes.

Dans un mémorandum envoyé au président Joseph Kabila en date du 20 mars 2017, et donc POLITICO.CD a reçu une copie, les services de renseignements mettent le Président en garde contre un limogeage du Gouverneur. « Cet acharnement sur le Gouverneur Kazembe relève à notre avis la manipulation de la Majorité par le réseau Katumbi« , dit entre autre ce document dont nous avons pris soin de taire le nom de l’auteur.

Par ailleurs, ce document de deux pages révèlent par que la Majorité Présidentielle avait « un plan à l’unanimité » pour faire partir M. Kazembe, mais accuse l’opposant Moïse Katumbi d’avoir préparé Fridolin Kasweshi, un ancien ministre, à lui succéder. « Une messe noir avait été dite en Afrique du Sud par Moïse Katumbi et son réseau pour préparer la candidature de Fridolin Kasweshi comme gouverneur« , explique ce mémorandum que notre source, qui a requis l’anonymat affirme provenir de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR)

Fridolin Kasweshi, originaire du Katanga et proche de l’ancien gouverneur de cette province, a occupé le poste de ministre de l’Infrastructure, des Travaux publics et de la Reconstruction des gouvernements Muzito II, Muzito III du 10 février 2010 au 6 avril 2012, et le poste de ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Infrastructures, des Travaux Publics et de la Reconstruction du gouvernement Matata. Le document révèle que ce dernier serait aussi le candidat de la Majorité à ce même poste. « Curieusement la candidature du PPRD était celle de Fridolin Kasweshi », révèle-t-il.

Ainsi, le même document fustige le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, notamment sur le deuxième choix à la succession de Jean-Claude Kazembe, la député Lyliane Mpande qui serait la maîtresse de Jean-Claude Mbuyambo, opposant congolais actuellement emprisonné et proche de Moïse Katumbi; tout en citant Pierre Lumbi, actuel président du G7 et dissident de la Majorité, qui promettait qu’au finale, Aubin Minaku rejoindra l’opposition.

« Le réseau Katumbi a beaucoup de ramification dans notre Majorité actuelle. Il serait souhaitable d’évaluer les actions de chacun pour tirer les conséquences et la manipulation est tellement forte que certains analystes s’abstiennent de dénoncer certains faits », conclut ce mémorandum semble-t-il déstiné au président Kabila.

Début avril, le gouverneur de la province du Haut Katanga est de retour à Lubumbashi. On le voit même féliciter le président Joseph Kabila  pour son discours tenu  devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès au Palais du peuple à Kinshasa. Un retour à la normale?

Finalement non. La Majorité semble avoir en fin de compte, décidé de se passer de son homme dans cette province qui ne cesse de lui être hostile, bastion des opposants qui ne perdent visiblement pas leur capacité faire trembler le Pouvoir.

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